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La vie s’améliore pour les Nord-Coréens en situation de handicap

Frédéric
Ojardias (correspondant à Séoul), La Croix, 15/03/2018

L’envoi
par la Corée du Nord de deux skieurs de fond assis aux Jeux paralympiques de
Pyeongchang, chez le voisin du Sud, témoigne de l’amélioration de la situation
des Nord-Coréens en situation de handicap, ces dernières années. Ce que
confirment plusieurs ONG travaillant au Nord.

Ma
Yu-chol (à droite) et Kim Jong-hyon (à gauche) à une session d’entraînement
lors des Jeux paralympiques de Pyeongchang, le 9 mars 2018.  / Ed
Jones/AFP
Pyeongchang,
cérémonie d’ouverture des Paralympiques, vendredi 9 mars. Kim Jong-hyon et
Ma Yu-chol, deux skieurs nord-coréens, entrent dans le stade, accueillis par
une immense clameur. Sous les applaudissements du public en majorité
sud-coréen, ils accomplissent leur tour d’honneur en fauteuil, souriant mais
intimidés, agitant le drapeau de leur pays – interdit en temps normal au Sud.
Kim et
Ma, 17 et 27 ans, ont perdu l’usage de leurs membres inférieurs dans un
accident de voiture. Ils n’ont commencé le ski de fond assis qu’en
décembre 2017. Pour autant, leur présence à Pyeongchang est loin d’être
anecdotique. Comme la première participation d’un Nord-Coréen (un nageur) au
Jeux paralympiques d’été de Londres, en 2012, elle est le signe d’une
amélioration manifeste de la situation des personnes handicapées en Corée du
Nord (6,2 % de la population, selon le recensement de 2008).
De graves
violations à l’égard des personnes handicapées
Le régime
de Pyongyang est régulièrement accusé de graves violations à leur égard. En
2006, un rapporteur de l’ONU fait état de témoignages affirmant que les
Nord-Coréens handicapés sont incarcérés dans des institutions à l’écart des
villes.
Des bébés
nés avec des malformations sont tués dès la naissance, racontent également des
réfugiés à Séoul. Et des enfants handicapés auraient été soumis à des
expérimentations d’armes chimiques et bactériologiques, accuse encore, en 2013,
l’ONG sud-coréenne protestante Citizens’ Alliance.
« Les
Nord-Coréens ont honte des personnes handicapées. Celles-ci sont appelées
“débiles” et ne sont pas traitées comme des êtres humains. Et il n’y a aucune
infrastructure pour qu’elles puissent faire du sport », ajoute Hwangbo
Young, une hockeyeuse sur glace née au Nord et qui a fui son pays en 1999.
Des
progrès significatifs, notamment grâce au sport
Depuis
quelques années, toutefois, le handicap est l’un des rares domaines des droits
de l’homme où des progrès significatifs sont observés en Corée du Nord, en
termes de visibilité et de réduction des discriminations. Notamment grâce au
sport.
En 2012,
la télévision d’État nord-coréenne diffuse un tournoi de tennis de table
handisport
: une
première qui contribue à améliorer l’image du handicap, alors que dans les rues
de Pyongyang même, capitale du pays, les visiteurs voient de plus en plus de
personnes handicapées, invisibles jusque-là.
« Les
[Nord-Coréens] handicapés ne sont plus vus comme inutiles, ils sont considérés
comme tous les autres », assure au site PRI Kwak Soo-kwang, directeur de
l’ONG sud-coréenne Green Tree International, qui envoie une assistance
humanitaire au Nord. À Pyongyang, un centre de formation professionnelle
(coiffure, couture, horlogerie) pour personnes handicapées a vu le jour en
2007.
Des ONG
de plus en plus présentes
En mai
2017, le régime autorise pour la première fois la venue à Pyongyang de la
rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit des personnes handicapées. Il
accepte également la présence dans la capitale de plusieurs organisations
internationales travaillant dans le secteur du handicap, comme le Comité
international de la Croix-Rouge.
Entre
autres activités, ces ONG fournissent du matériel à des ateliers de
fabrications de prothèses. « Même si beaucoup reste à faire, les services
offerts aux [Nord-Coréens] handicapés s’améliorent
; la reconnaissance de leurs
besoins et de leurs droits s’élargit
; et leur intégration dans la société au sens large
s’opère, quoique de façon graduelle », se félicite dans un long rapport
sur le sujet Katharina Zellweger, une spécialiste humanitaire suisse active
depuis vingt ans en Corée du Nord.
En
participant aux Jeux paralympiques de Pyeongchang qui s’achèvent dimanche, les
deux skieurs nord-coréens contribuent eux aussi à améliorer la perception du
handicap au Nord. Kim Jong-hyon et Ma Yu-chol ont terminé aux dernières places
de leur course, le 15 km, sous les vivats des supporteurs sud-coréens.
Une
première aux Jeux paralympiques d’hiver
1964.
Première participation de la Corée du Nord aux JO d’hiver à Innsbruck.
2006. Rapport
sévère de l’ONU dénonçant le traitement des personnes handicapées en Corée du
Nord.
2012. La
Corée du Nord s’aligne aux Jeux Paralympiques d’été de Londres.
2016. La
Corée du Nord ratifie la Convention relative aux droits des personnes
handicapées.
2017. La
rapporteuse spéciale de l’ONU, Catalina Devandas-Aguilar, est autorisée pour la
première fois à se rendre en Corée du Nord.

2018. Pour
la première fois de son histoire, la Corée du Nord envoie une délégation aux
Jeux paralympiques à Pyeongchang, en Corée du Sud.