👩 JOURNÉE DES FEMMES_ Les violences conjugales augmentent-elles les soirs de match?
Par Emilie Tôn,
L’Express, 06/03/2018
Faut-il
craindre une hausse des violences conjugales en ce jour de match PSG-Real
Madrid? Des études lient ce fléau au foot, occultant la part importante des
autres facteurs.
![]() |
Capture
d'écran de la campagne publicitaire britannique réalisée par l'association
Tender Education and Arts. YouTube
|
Assise
sur son canapé, les yeux rivés sur l'écran de télévision, une femme regarde un
match de foot comme si sa vie en dépendait. Apprenant la défaite de son équipe,
elle éteint l'appareil, bouleversée. La campagne télévisée chiffre les dégâts:
"Personne ne souhaitait la victoire de l'Angleterre autant que les femmes.
Les violences domestiques ont augmenté de 38% quand l'Angleterre a été éliminée
de la Coupe du monde."
Les
autres sports également concernés
L'étude
à l'origine du spot de prévention montrait une hausse spectaculaire du nombre
de cas de violences conjugales lors des défaites de l'équipe nationale en Coupe
du monde. Pour déterminer ce taux, les chercheurs s'appuyaient sur les cas
rapportés à la police dans lors des compétitions de 2002, 2006 et 2010.
Contactée
par L'Express, la Fédération nationale solidarité femmes a analysé du 3919, le
numéro pour les victimes de violences conjugales en France. Loin de se
rapprocher de nos voisins d'Outre-Manche, elle n'a pas constaté de
"modifications significatives" les soirs de match. Françoise Brié,
directrice générale de la Fédération, reste néanmoins prudente: "Les
appels peuvent survenir plusieurs jours après les épisodes de violences et les
femmes ne sont pas forcément informées de l'existence du numéro".
Les
compétitions de football ne sont pas les seules à susciter des inquiétudes.
Selon une autre
étude menée par l'Institut national de la santé américain, les
violences conjugales augmenteraient également pendant les matchs de foot
américain, notamment pendant la finale du championnat national, le célèbre
SuperBowl. Les autorités rapportent une hausse de 10% des cas de violences
d'hommes contre leurs compagnes les soirs de défaites dites
"inattendues" -lorsque l'écart de points est important et que
l'équipe joue à domicile.
L'alcool
plus que le sport
Ce
rapport entre violences domestiques et football avait déjà été établi en 2012
par Allan Brimicombe, un statisticien, et Rebecca Cafe, une journaliste de la
BBC. Leur étude
rapportait une hausse de 30% des violences pendant le Mondial en Afrique du Sud
en 2010. "Les grands événements sportifs ne provoquent pas la violence
domestique, car les personnes violentes sont seules responsables de leurs actes,
précisaient les auteurs. Mais les niveaux d'alcool consommés liés à la nature
fortement émotionnelle de ces événements semblent augmenter la fréquence des
incidents."
Interrogé
par Le Guardian,
le criminologue Stuart Kirby va même plus loin: "Parce que la Coupe du
monde augmente les facteurs étiologiques de la violence domestique, il y aura
des individus qui commettront des violences conjugales pour la première
fois". Selon une étude de l'Observatoire national de la délinquance et des
réponses pénales (ONDRP), près de la moitié des femmes victimes de violences de
la part de leur conjoint estimaient qu'il était sous l'emprise de drogue ou
d'alcool au moment des faits.
Des
violences en tout genre
D'autres
types de violences à la personne augmentent également. Régulièrement, les
autorités rapportent de violents incidents après les matchs et leurs
auteurs terminent souvent en cellule de dégrisement. Pour décrire ce
phénomène, les Britanniques ont même inventé un mot: l'alcooliganisme,
que le gouvernement a tenté de combattre en interdisant la vente d'alcool à
proximité des stades les jours de match.
L'alcool
serait donc un facteur plus décisif que la défaite d'une équipe pour l'auteur
de tels crimes ou délits. Pour preuve, l'étude menée par l'université de
Lancaster montre que, même en cas de victoire, les autorités enregistrent une
hausse de 26% des violences conjugales.
Difficile
d'établir un lien de cause à effet entre foot et violence domestique, à moins
de vouloir mettre sur le dos du sport une responsabilité qu'on ne peut imputer
qu'aux auteurs.