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Israël admet avoir attaqué un présumé réacteur syrien en 2007

Michael Smith,
La Presse, 20 mars 2018

L’armée
israélienne a admis mercredi avoir attaqué et détruit il y a plus de dix ans un
présumé réacteur nucléaire secret chez son voisin syrien au cours d’une
opération aérienne éclair.
Quatre
F-15 et autant de F-16 ont participé au raid débuté à 22h30 le 5 septembre
2007.

Il ne
faisait guère de doute depuis longtemps qu’Israël était derrière l’audacieux
raid en territoire ennemi contre le site Al-Kibar, dans la province de Deir
Ezzor, dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007.

Mais
c’est la première fois que ce pays assume ouvertement la responsabilité de
l’attaque, publiant à cette occasion des documents tout juste déclassifiés.
Cette
reconnaissance coïncide avec une multiplication de mises en garde de la part
d’Israël contre le renforcement de la présence militaire iranienne dans la
Syrie en guerre, et d’appels à corriger ou annuler l’accord conclu par les
grandes puissances avec l’Iran sur les activités nucléaires de la République
islamique.
Le
président américain Donald Trump a donné jusqu’au 12 mai aux Européens pour
remédier aux «terribles lacunes» de cet accord conclu en 2015.
La
possibilité d’une attaque israélienne contre les installations nucléaires
iraniennes a longtemps fait l’objet d’intenses spéculations. En 1981, Israël
avait bombardé le réacteur nucléaire irakien d’Osirak malgré l’opposition de
Washington.
Un
porte-parole de l’armée israélienne a refusé de s’exprimer sur le timing de la
déclassification.
Démenti
syrien 
«Dans la
nuit du 5 au 6 septembre 2007, des appareils de l’armée de l’air israélienne
ont frappé et détruit un réacteur nucléaire syrien en cours de développement»,
dit l’armée dans un communiqué.
«Le
réacteur était sur le point d’être achevé. L’opération a permis de supprimer
une menace existentielle émergente pour Israël et toute la région»,
poursuit-elle.
La Syrie
a toujours démenti qu’il s’agissait d’un site nucléaire.
Mais
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait jugé en 2011 «très
probable» que ce site était effectivement un réacteur, peut-être construit avec
l’assistance de la Corée du Nord.
«Un
réacteur nucléaire entre les mains d’Assad aurait eu de graves répercussions
sur l’ensemble du Moyen-Orient», indique l’armée israélienne.
Au-delà
des motivations stratégiques, la déclassification révèle des détails inédits de
l’opération Orchard, préparée dans le plus grand secret et accompagnée d’une
mise en alerte de l’armée dans l’éventualité d’une guerre.
Quatre
F-15 et autant de F-16 ont participé au raid débuté à 22h30 le 5 septembre. Les
appareils sont revenus à leur base à 02h30 le lendemain, selon le communiqué
accompagné d’une vidéo de l’attaque.
Des
images vidéo granuleuses montrent la ligne de mire d’un appareil se caler sur
une vaste structure qui explose peu après.
Le
réacteur présumé «a été totalement désactivé et les dommages causés étaient
irréversibles», dit l’armée.
L’actuel
chef d’état-major israélien, le général Gadi Eisenkot, à l’époque commandant de
la région militaire Nord, se souvient dans une vidéo jointe au dossier avoir
réuni ses officiers avant le raid. 
«Menace
existentielle» 
«Je ne
leur donne pas les détails ni la nature exacts de l’objectif, mais je leur dis
qu’une attaque importante va avoir lieu dans les 24 à 48 heures à venir, un
évènement pouvant conduire à une guerre, avec un faible taux de probabilité»,
dit-il.
«Faible,
pour moi, c’est entre 15 et 20%, c’est déjà beaucoup», dit-il.
Les deux
pays se sont affrontés à plusieurs reprises depuis la création d’Israël en 1948
et restent techniquement en état de guerre.
Israël
veille aujourd’hui à rester à l’écart du conflit en Syrie, qui a éclaté en
2011, mais a mené des dizaines de frappes ponctuelles contre des positions du
régime ou des convois d’armes à destination du mouvement chiite libanais
Hezbollah, un des ennemis d’Israël qui combat au côté du président Assad.
Israël
s’alarme aussi de la présence militaire grandissante en Syrie de l’Iran, autre
allié du régime. Il accuse Téhéran de chercher à construire en Syrie et au
Liban des usines de production de missiles à haute précision qui pourraient
être utilisés contre Israël.
Israël a
admis, pour la première fois depuis 2011, avoir frappé le 10 février des cibles
iraniennes chez son voisin, après l’entrée d’un drone iranien dans l’espace
israélien. Israël a perdu pour la première fois depuis 1982 un appareil au
combat dans la confrontation, qui rappelle la volatilité d’une situation
imprévisible.
«Le
message de l’attaque de 2007 contre le réacteur, c’est qu’Israël n’acceptera
pas qu’on construise des installations susceptibles de constituer (pour lui)
une menace existentielle», dit le général Eisenkot.
«C’était
le message de 1981 (avec Osirak), c’est le message de 2007, et le message pour
l’avenir à nos ennemis».