Des Tunisiennes manifestent pour réclamer l’égalité dans l’héritage
Lorenzo
Clément avec AFP, Humanite, 10 Mars, 2018
Plus d'un
millier de Tunisiens, en majorité des femmes, ont défilé samedi à Tunis pour
réclamer l'égalité des sexes en matière d'héritage, scandant que c'était
"un droit, pas une faveur".
Photo
Fethi Belaid/Archives/AFP
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"C'est
un des derniers bastions du patriarcat" dans la loi tunisienne, estime
Sana Ben Achour, universitaire et présidente d'une association de soutien aux femmes,
Beity. "Il faut qu'il y ait une égalité des droits puisque cela a été
prévu par la Constitution" votée dans la foulée de la révolution de 2011,
souligne-t-elle. Le simple fait que le débat batte son plein, c'est déjà
une victoire, a assuré Monia Ben Jemia, présidente de l'Association tunisienne
des femmes démocrates, qui espère le vote d'une loi dans l'année à venir.
Le
président tunisien Béji Caïd Essebsi avait relancé en août dernier le débat sur
cette question sensible, jugeant que la Tunisie se dirigeait inexorablement
vers l'égalité "dans tous les domaines". Cela impliquerait de
modifier le code successoral afin que les hommes n'héritent plus
systématiquement du double de ce qui est légué aux femmes, une mesure fondée
sur le droit islamique.
Cette
question reste tabou dans le monde arabe, et plusieurs sondages laissent
entendre qu'une majorité de Tunisiens sont opposés à l'égalité en matière
d'héritage. La manifestation organisée samedi dans la capitale a rassemblé
des femmes venues de toute la Tunisie. Pour Rahma Jawadi, présidente de
l'association des femmes rurales de Jendouba, région agricole pauvre du
nord-ouest du pays, "si l'on vote cette loi et que la femme prend ses
droits sur la terre, elle pourra se développer, elle pourra faire de l'agriculture,
elle aura un revenu", sans contredire la religion. L'égalité en
matière d'héritage est un des dossiers confiés à la commission pour les
libertés individuelles, mise sur pied par la présidence pour réformer lois,
directives et autres textes entravant ces libertés. Son rapport
initialement prévu en février, et repoussé à juin, devrait préconiser une
politique des petits pas, a indiqué un membre de cette commission sous couvert
de l'anonymat. La commission pourrait ainsi proposer aux familles qui le
souhaitent de pouvoir choisir de répartir "également" l'héritage
entre fils et filles, sans imposer cette égalité dans la loi. Une première
proposition de loi qui allait dans ce sens avait été déposée en 2016, mais
n'avait pas été débattue.