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Violences sexuelles: Plus d’une Française sur dix affirme avoir subi un viol

Justine Beauvais 23/02/2018
VIOLENCES SEXUELLES – L’après Weinstein continue. Et les révélations des femmes victimes de violences sexuelles se multiplient.

43% des Françaises affirment avoir subi des caresses ou des attouchements sexuels sans consentement. Quant au fait le plus grave, à savoir le viol, 12% déclarent en avoir été victimes, soit 4 millions de femmes.

Ces chiffres impressionnants sont le résultat de l’étude Ifop “Viols et violences sexistes: un problème majeur de santé publique” réalisée pour la Fondation Jean-Jaurès, que Franceinfo révèle ce vendredi 23 février.
Cette enquête, menée début février sur un échantillon de 2167 femmes représentatives de la population féminine âgées de 18 ans et plus, dresse “un premier état des lieux de la fréquence des différents comportements et attitudes sexistes et des violence sexuelles”, notent les auteurs.
Ces actes concernent le plus grand nombre et se manifestent de différentes façons: oralement, physiquement, ou même par voie électronique. 58% des femmes disent ainsi avoir été victimes de comportements déplacés, 50% d’insultes ou de remarques à caractère sexiste, 45% de gestes grossiers à connotation sexuelle, ou encore 29% de messages pornographiques par mails ou SMS.
Si ces statistiques sont alarmantes au premier abord, elles témoignent en fait d’une libération progressive de la parole plutôt que d’une augmentation du nombre de violences: “Sur le temps long, on observe que les générations les plus jeunes déclarent plus que les autres les violences sexuelles. Elles en parlent plus”, note Alice Debauche, chercheuse associée à l’unité démographie, genre et sociétés de l’Institut national d’études démographiques (Ined), avec qui Franceinfo s’est entretenu.
Les femmes mettent un nom sur ces actes, qu’elles acceptent de moins en moins: “Le seuil de tolérance à la violence descend”, souligne à ce titre la sociologue.
Représentations, nombre de plaintes: un décalage avec la réalité
Contrairement aux idées reçues, une écrasante majorité des femmes ayant subi un viol connaissaient leur agresseur. Entre 78% et 88% d’entre elles, en prenant en compte la marge d’erreur du sondage, affirment que c’est le cas. Elle est donc loin la “représentation classique du violeur inconnu dans un parking la nuit”, assure Alice Debauche auprès du site d’information.
Dans la plupart des situations, il s’agit du conjoint ou d’un membre de la famille. Dans 36% à 48% des cas, le viol a d’ailleurs lieu au domicile de la victime. 17% des victimes de viols ont été agressées par un inconnu.
Si la parole semble se libérer petit à petit, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. On note notamment un décalage entre les chiffres de l’étude et le nombre de plaintes déposées pour viol (dans 15% des cas).
Le recours à la police et à la justice est plus fréquent parmi les femmes ayant subi un viol commis par plusieurs agresseurs (39% d’entre elles contre 13% de celles ayant été violées par une seule personne). L’enquête montre par ailleurs que lorsque les suites judiciaires ont lieu, l’auteur n’est condamné que dans 23% des cas.
Aussi, par gêne, parfois par culpabilité ou parce qu’elles ne savent pas forcément vers qui se tourner, beaucoup de victimes se murent dans le silence: seules 38% ont parlé de cet événement douloureux à un ou des proches.
Un mutisme qui n’est jamais bon. En plus des séquelles psychologiques et physiques que de telles violences occasionnent, les conséquences peuvent être fatales: entre 32% et 44% des femmes qui ont été violées ont pensé à se suicider, et entre 16% et 27% ont même fait une tentative de suicide, rapporte les auteurs de l’étude.