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Maroc – Droits des femmes: une nouvelle loi qui divise

MARLÈNE PANARA 17/02/2018
Après cinq ans de discussions et une multitude d’amendements, le Parlement marocain vient d’adopter le projet de loi contre les violences faites aux femmes.

La loi 103.13 enrichit donc le code législatif du royaume chérifien et vient compléter en sorte la Moudanawa – le Code du statut personnel qui régit le droit de la famille –, dont la dernière révision a été faite en 2004.
Une information relayée par la ministre de la Famille, de la Solidarité, de l’Égalité et du Développement social, Bassima Hakkaoui, du Parti justice et développement (PJD) sur son compte Facebook.
Elle précise de plus que le texte a été adopté par la Première chambre en deuxième lecture, à 168 voix pour, 55 contre et une abstention.


Mariage forcé, violence physique, harcèlement sexuel aussi
Annoncé par la MAP comme «un texte juridique de référence […] susceptible de garantir une meilleure protection des femmes contre toutes formes de violence», la loi prévoit en premier lieu «la criminalisation des actes de violence préjudiciables aux femmes», d’après une note du ministère.


En d’autres termes, le texte entend punir le «mariage forcé et la violence physique», mais aussi le «gaspillage ou le transfert des ressources financières de la famille par mauvaise foi». L’instigateur d’un mariage forcé encourt une peine de prison allant de six mois à un an, et une amende allant de 10 000 à 30 000 dirhams (875 à 2 630 euros).

Certaines circonstances seront considérées comme aggravantes: «la violence à l’égard d’une femme enceinte, d’une femme mariée ou divorcée en présence de ses enfants ou de ses parents» seront d’autant plus punies.

Autre attitude incriminée: le harcèlement sexuel. Le harcèlement de rue pourra ainsi être puni d’une peine de six mois d’emprisonnement, et d’une amende de 2 000 à 10 000 dirhams (de environ 175 à 875 euros). Des peines qui pourront être prises à la suite de propos à caractère sexuel, qu’ils soient véhiculés par des SMS, des messages vocaux ou des photos. Les sanctions seront même durcies, dans les cas où le harcèlement serait «commis par des personnes spécifiques: un collègue ou une personne chargée du maintien de l’ordre».
Autre violence contre les femmes sur laquelle le texte s’est penché: la répudiation. Une clause prévoit la prise en charge, par la juridiction, du «retour de la femme expulsée au foyer conjugal, avec son enfant dont elle a la garde». L’époux accusé est quant à lui éligible à une peine de prison de un à trois mois, et à une amende de 2 000 à 5 000 dirhams (175 à 440 euros).


Prise en charge des victimes

Mais au-delà de la criminalisation des actes violents, la loi 103.13 consacre un chapitre à la prise en charge des victimes souvent isolées et impuissantes face aux agressions, à travers la création «d’entités et de mécanismes dédiés» qui dépendront donc du ministère et des pouvoirs publics. Une «coordination entre les parties impliquées dans la protection des femmes» sera également mise sur pied, et inclura «les pouvoirs judiciaires, la Sécurité nationale et la Gendarmerie royale» ainsi que les «départements gouvernementaux concernés», comme la Justice et la Famille.

Ils seront donc chargés d’assurer la protection des victimes, en décidant notamment de «mesures d’éloignement» avec l’auteur des faits. L’article 5 du texte prévoit ainsi une interdiction pour l’accusé de s’approcher de sa victime, ou de communiquer avec elle, et ce pour une période de cinq ans maximum.


Une peine applicable dès la prononciation du jugement, ou à la sortie du prison de l’accusé. La loi peut permettre par ailleurs de lui assurer, dans certains cas, «un traitement psychiatrique adéquat».

Enfin, le texte s’engage à développer une réelle politique de prévention, qui engagerait les pouvoirs publics. L’objectif: sensibiliser l’opinion aux violences dont sont victimes les femmes, en dénonçant des actes dont la gravité est parfois méconnue ou ignorée du grand public.