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Gifle et fessée : loi cherche parlementaire courageux !

jprosen 

Voici un peu plus d’un an – le 17 janvier 2017 – le Conseil constitutionnel annulait l’article 222 de la loi « Egalité et citoyenneté » du 27 décembre 2016 qui condamnait le recours aux châtiments corporels.

Les Sages n’avaient pas eu à chercher bien loin pour justifier cette censure partielle : ils étaient face au classique cavalier législatif, c’est-à-dire à l’introduction dans la loi d’une disposition sans rapport direct avec son objet principal. (1)
De fait le gouvernement avait accepté au cours des débats un amendement modifiant l’article 371-1 du Code civil qui définit l’autorité parentale comme une fonction déléguée par la société aux parents pour protéger l’enfant. Désormais, cette autorité devrait s’exercer en excluant «tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles». Etaient bien sûr visée, la pratique de gifle et la fessée.
Il n’était pas de question de poursuivre des parents devant un tribunal pénal pour une gifle ou une fessée, mais simplement d’affirmer une valeur fondamentale : on peut éduquer sans frapper. Après tout Napoléon n’a-t-il pas inscrit dans l’article 371 du même code civil que « l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère «, là encore sans sanction autre que morale.
On avait pu se réjouir ici de ce que la dernière loi importante du quinquennat Hollande consacre une telle avancée. (2) Las ! 60 parlementaires ne l’ont pas supporté : ils ont osé saisir le Conseil Constitutionnel pour censurer cette disposition !
Dans une indifférence générale, le gouvernement n’a pas pris la moindre initiative pour revenir sur cette annulation, pas plus qu’aucun parlementaire de la majorité sortante alors même que l’article annulé venait de députés ! On objectera que la campagne électorale était engagée et la session parlementaire close. Certes, mais depuis, aucune initiative n’a été prise par des parlementaires ou par le gouvernement.
Mme A. Buzyn, ministre de la santé, interpelée sur ce point le 15 janvier 2018 lors de l’Assemblée plenière du Conseil national de la protection de l’enfance n’a pas fermé la porte à une disposition législative et s’est déclarée prête à examiner le sujet si l’occasion se présentait. (3)
Quand on relève les indignations mécanistes de la classe politique devant des affaires de violences à enfants – et ne parlons pas des violences sexuelles – qui défraient régulièreent la chronique, on ne peut qu’être surpris du manque d’empressement sur cette dernière décennie à suivre la Recommandation du Conseil de l’Europe de 2009 qui appelle les Etats à en finir avec les châtiments corporels pour privilégier une éducation sans violence. Une disposition législative pour utile ne peut pas suffire si un débat n‘est pas mené à l’échelle de chaque pays sur l’éducation. Beaucoup de parents, confondant punition et coups, se sentent démunis sinon désavoués s’ils ne peuvent plus frapper leur enfant .
Succombant à de multiples pressions et à l’appel du Conseil de l’Europe le gouvernement Valls avait finalement accepté de laisser voter une disposition législative, mais d’évidence c’était du bout des lèvres. Laurence Rossignol, ministre de la famille et de l’enfance n’ayant pas caché – relayée par un remarquable discours de François Hollande le 20 novembre 2016 à l’Elysée sur l’éducation sans violence – qu’elle n’était pas favorable à une loi privilégiant sur ce sujet mais une démarche de pédagogie et de conviction avec l’opinion. Elle avait peur qu’une loi cristallise le débat et le bloque avec tous ceux – responsables politiques, journalistes, animateurs er télévision, etc. – qui n’hésitent à affirmer qu’ils n’ont finalement pas souffert des raclées qui leur ont été administrées. Tout simplement certains responsables politiques avaient peur d’être accusés par leurs adversaires de casser l’autorité des parents. Raisonnement bien rodé qui pendant des décennies avait valu quand se posait la question de l’abrogation de la peine de mort.
A ce jour, la France, patrie autoproclamée des droits humains, s’avère donc incapable d’être le 28° pays du Conseil de l’Europe à condamner les châtiments corporels et à prôner l’éducation sans violence physique.
Un parlementaire sera-t-il relever le défi et engager le débat avec l’opinion en assumant qu‘on peut élever ses enfants autrement que par la peur des coups ou en levant la main ? L’autorité ne se mesure pas à la peur de l’enfant pour l’adulte mais répond au sentiment que l’adulte les protège et a raison même si dans un premier temps il le contrarie. Ce n‘est pas la blouse de l’enseignant qui fait qu’on reconnait son autorité, mais la qualité qu’on prête à son enseignement !


La France est-elle vraiment incapable d’avoir ce débat comme elle est incapable d’avoir le débat sur les droits des enfants convaincus qu’affirmer ces droits c’est consacrer l’enfant-roi et la toute-puissance des plus jeunes ?


On retrouve ici les mêmes ressorts rétrogrades que ceux qui ont justifié, des années durant, des pratiques machistes et un droit qui confortait le pouvoir des hommes sur les femmes.


A l’occasion de la révision des lois bioéthiques nous nous allons être conduits dans les mois à venir à disserter sur le droit de chacun à accéder au statut de parent et de voir consacrer – à quel prix – un droit à l’enfant. Quitte à tordre le coup à l’idée qu’on se fait depuis des siècles de la médecine et désortais du statut de la femme et de l’enfant.


Ne pourrions-nous pas déjà passer un peu de temps à vider la question de ce que sont les responsabilités parentales : qui et en quoi dispose de responsabilités sur un enfant ? C’est la question des droits et devoirs des beaux-parents, mais aussi du pouvoir reconnu pour l’exercice de qui est, somme toute, une mission sociale dont notamment les parents sont investis. La fin ne justifie plus les moyens. Qui dit mission et pouvoir dit limites et obligation de rendre des comptes.


Ne pourrions-nous pas affirmer que le droit sur l’enfant qu’on appelle encore dans la foulée de Napoléon droit de correction est certes le droit de faire autorité et de décider mais plus le droit de frapper et donc, a fortiori, de violenter ?
On pourrait même en profiter pour consacrer dans notre code civil les nouveaux rapports au sein de la famille et substituer à la formule napoléonienne précitée une moderne confire aux représentations modernes des rapports humains : « Ascendants et descendants se doivent réciproquement respect et solidarité » (4) constatant que plusieurs générations vivent souvent dans l’univers familiale, que les rapports ne sont pas descendants des parents aux enfants, mais réciproques. gardons respect , mais la solidarité doit se substituer à l’honneur, mot désuet et préempté aujourd’hui par les mafieux !


Un beau sujet que des parlementaires pourraient investir pour tourner définitivement le pays vers le XXI° siècle et lui permettre de tenir son rang dans le débat sur les droits humains.


Oui quel parlementaire osera, non seulement déposer une proposition de loi, mais engager le débat ?
1 – On aurait voulu pousser à l’annulation qu’on n’aurait pas fait mieux ! http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/01/26/fessee-ecole-hors-contrat-hlm-le-conseil-constitutionnel-censure-des-dispositions-du-texte-egalite-et-citoyennete_5069736_823448.html#VgmBRFs3AVhEP01D.99


2 – jprosen.blog.lemonde.fr, post n°659


3 – Le Conseil lui-même estimant que le débat n’était pas mûr pour inviter d’ores et déjà le gouvernement à une initiative et renvoyant à une prochaine reunion de Bureau !


4 – Formulation votée à peu près dans la loi Autorité Parentale et Intérêt de l’enfant le 27 juin 2014 jamais soumise au Sénat