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Etats-Unis: qu’est-ce que l’«alt-right» et le «suprémacisme blanc»?

Audrey Travère
L’auteur de la fusillade de masse du 14 février 2018 à Parkland (Floride) est lié à la mouvance «suprémaciste» qui prône la supériorité de la «race blanche», selon l’Anti-Defamation League.

Il avait, à ce titre, participé régulièrement à des réunions d’un groupuscule nommé «Republic of Florida» avec lequel il avait participé à des entraînements de tir.

Qu’est-ce que l’autoproclamée «alt-right»?
L’alt-right est une mouvance d’extrême droite née à la fin des années 2000, mais qui s’appuie sur des références racistes relativement classiques. Ce terme a été créé par l’identitaire Richard B. Spencer, dont l’objectif est de défendre une culture occidentale blanche – qui serait menacée –, et qui prône la création d’un «Ethno-Etat» blanc et la mise en place d’un «nettoyage ethnique» qualifié de «paisible». Les militants de l’alt-right luttent également contre les droits des femmes, des immigrés, des homosexuels et des transsexuels.
Outre le suprémacisme blanc, l’alt-right puise ses références dans d’autres mouvements, comme le Tea Party américain, les courants de l’extrême droite française et s’appuie sur des militants très actifs sur des forums comme Reddit, 4chan ou 8chan. Lors de la dernière campagne présidentielle américaine, ces réseaux ont soutenu avec ferveur Donald Trump, qui s’en est par la suite mollement défendu.


Qui sont les «suprémacistes»?
Le suprémacisme blanc est une idéologie raciste et constitue une des tendances de l’extrême droite américaine. Elle part du principe que les Blancs constituent une «race supérieure». Selon ces militants extrémistes, les Blancs seraient condamnés à l’extinction face à l’augmentation des personnes de couleur dans la société américaine. Leur but assumé, outre le maintien de leurs privilèges aux Etats-Unis au détriment des autres, est la création d’un prétendu «Etat blanc».
Le slogan dit des «14 mots», inventé par David Lane, membre de l’organisation terroriste suprémaciste The Order, illustre cette vision : «Nous devons sécuriser l’existence de notre peuple et un futur pour les enfants blancs.» Ce dogme s’inspire largement du «racisme scientifique», pseudoscience qui pense déterminer des critères objectifs de supériorité de la «race blanche».

Le Ku Klux Klan

Le Ku Klux Klan (KKK) est une organisation suprémaciste blanche des Etats-Unis fondée par six officiers sudistes, en 1865 dans le Tennessee. La formation ne s’est jamais constituée en parti politique. Néanmoins, elle faisait pression pour défendre les intérêts des esclavagistes et des ségrégationnistes dans le Sud.
Les membres usaient de tous les moyens pour arriver à leur fin : de l’intimidation, en mettant le feu à des croix à proximité des personnes qu’ils voulaient intimider, au lynchage public, ainsi qu’au meurtre. Malgré le secret entourant les exactions du KKK, une étude datant de 2015 fait état de près de 4 000 Afro-Américains tués entre 1877 et 1950 dans les Etats du Sud.
Au fil des années, l’idéologie de l’organisation a évolué, ne se limitant plus au racisme anti-Noirs. A partir du XXe siècle, elle s’en prend également aux catholiques, aux orthodoxes, aux juifs, aux homosexuels et aux immigrés. A son apogée, dans les années 1920, le Ku Klux Klan comptait 4 millions de membres. Le Southern Poverty Law Center en dénombre entre 5 000 et 8 000 de nos jours.
Accusé d’entretenir un flou quant à ses relations avec le KKK durant sa campagne, Donald Trump s’est vu féliciter par l’ancien chef de l’organisation, David Duke, pour ses propos, condamnant le «terrorisme de gauche».


Les néonazis américains
Les mouvements néonazis américains se réclament directement du national-socialisme d’Adolf Hitler. Tout comme le KKK, ses militants s’en prennent majoritairement aux Noirs, aux juifs ainsi qu’aux homosexuels.
Dans un pays qui a combattu l’Allemagne nazie, voir défiler des militants avec des drapeaux arborant la croix gammée peut étonner, mais la conception américaine de la liberté d’expression permet à ces mouvements d’avoir pignon sur rue. Les représentants de différents groupuscules étaient d’ailleurs présents à Charlottesville, en Virginie, vendredi 11 et samedi 12 août.
James Fields, l’homme qui a foncé dans la foule des contre-manifestants causant la mort de Heather Heyer et faisant plusieurs dizaines de blessés, est un sympathisant d’un de ces groupes néonazis, Vanguard America.


Qui est Robert E. Lee ?
Robert Edward Lee, né en 1807 et mort en 1870, est un personnage historique américain controversé. Il a commandé des armées confédérées pendant la guerre de Sécession (1861-1865). Figure emblématique des sudistes, ses partisans aiment à le présenter comme un fin stratège militaire et un grand humaniste, luttant contre l’esclavage.
Pourtant, la guerre de Sécession opposait les Etats du Nord, l’Union, ayant aboli l’esclavage, aux Etats du Sud, la Confédération, cherchant à le maintenir. En tant que confédéré, Robert Lee possédait lui-même plusieurs dizaines d’esclaves dans sa propriété de Virginie qu’il traitait avec une grande cruauté (châtiments corporels, séparation des familles, etc.), bien loin de l’image véhiculée par un révisionnisme historique porté par les nostalgiques de cette époque.


L’« alt-left », une expression utilisée à l’extrême droite
Avant son utilisation, mardi 15 août, par Donald Trump, le terme «alt-left» était surtout utilisé par quelques réseaux et sites extrémistes et néonazis. L’expression, employée notamment par le site antisémite The Daily Stormer, sert à décrire de manière péjorative l’opposition à Donald Trump, tel que les antiracistes de Black Lives Matter ou les mouvements de gauche.
Selon Mark Pitcavage, un analyste de la Ligue antidiffamation cité par le New York Times, une ONG luttant contre l’antisémitisme outre-Atlantique, ce mot ne correspond à aucun groupe organisé à proprement parler ; il est utilisé sur Reddit par l’alt-right, les journalistes de la chaîne conservatrice Fox News, la National Rifle Association – le lobby pro-armes – et maintenant à la Maison Blanche. Le but est de créer une équivalence fantasmée entre l’extrême droite et l’extrême gauche, mettant sur un même plan les deux idéologies.