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La contestation en Iran a-t-elle une chance de perdurer (et de faire bouger les choses)?

Camille Dubruelh 04.01.2018
IRAN – Pour le pouvoir iranien, c’en est fini des manifestations qui secouent le pays depuis une semaine.

L’armée d’élite du pouvoir, les Gardiens de la révolution, a proclamé mercredi 3 janvier la fin de ce mouvement qualifié de “sédition”. Si Téhéran a passé une nuit calme, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, les manifestations auraient pourtant continué dans des petites localités.

Partie le 28 décembre de Machhad (nord-est), cette contestation inédite depuis 2009 a provoqué la mort de 21 personnes et des centaines ont été arrêtées, dont 450 à Téhéran, selon des chiffres officiels. “Il y a 80 villes iraniennes en flammes, c’est du jamais vu”, assure Mahnaz Shirali, politologue spécialiste de l’Iran, à écouter dans la vidéo en tête de l’article.
Pour cette professeure à Sciences po, “ce sont les Iraniens de toutes les classes sociales qui manifestent leur colère contre un régime qui n’arrive pas à gérer ce pays”.
Un avis que ne partage pas Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS et lui aussi spécialiste de ce pays. Pour lui, ces manifestations, dont l’objet est avant tout économique, sont celles de la “classe populaire”. “Les manifestations ont lieu dans des endroits extrêmement reculés, des petites localités. Les zones urbaines n’ont pas bougé”, assure-t-il.
Si ce mouvement a eu le mérite de mettre en lumière la contestation grandissante du régime par une frange de la population qu’on croyait acquise à sa cause, le chercheur “ne pense vraiment pas qu’il va durer”.
Preuve en est selon lui, la mobilisation n’a rien à voir en terme d’ampleur avec celle qui avait secoué le pays en 2009, à la suite de l’élection controversée de Mahmoud Ahmadinejad. Ce mouvement politique avait donné lieu “à des manifestations monstres qui avaient d’abord touché les grands centres urbains”.
“Avec ce mouvement, plus personne ne doute du clivage entre le régime et le peuple iranien”, analyse de son côté Mahnaz Shirali, qui croit en la poursuite des manifestations. “Les frustrations sont si fortes que ce serait difficile d’imaginer que le régime puisse continuer grâce à la peur et la terreur”, explique la politologue, “même s’il était étouffé, ce mouvement social rebondirait à un autre endroit, à un autre moment”.
“Même si les grands centres urbains bougeaient, je ne pense pas que c’est avec des manifestations que l’on pourra obtenir de grands changements en Iran. Ceux qui pensent cela font fausse route”, assure au contraire Karim Pakzad. “L’État a les moyens de faire face. S’il y a un changement réel, cela viendra de l’intérieur du régime”.