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Roy Moore, accusé d’agressions sexuelles, va-t-il gagner l’élection dans l’Alabama? Les États-Unis retiennent leur souffle

Maxime Bourdeau avec AFP 12/12/2017
ÉTATS-UNIS – La campagne sénatoriale qui déchire l’Alabama et les Etats-Unis a touché à sa fin ce lundi 11 décembre, Donald Trump en appelant à la loyauté de ses partisans pour élire le candidat républicain, l’ultra-conservateur Roy Moore, malgré les accusations d’attouchement sur mineures il y a plusieurs décennies.

L’enjeu politique et moral du scrutin est tel que l’ancien président Barack Obama s’est impliqué ce lundi, appelant les électeurs à se mobiliser pour le candidat démocrate, Doug Jones. “L’occasion est grave”, dit-il dans un message téléphonique enregistré, selon des médias américains. “Vous ne pouvez pas rester chez vous”.
Les électeurs de cet Etat conservateur du Sud sont appelés à élire mardi leur second sénateur, en remplacement de Jeff Sessions, nommé ministre de la Justice au début de l’année. “Nous avons besoin de Roy” sur l’immigration clandestine, la défense, les armes à feu et la lutte contre l’avortement, a dit le président américain dans son propre message téléphonique aux électeurs. “Roy Moore est l’homme qu’il nous faut pour rendre à l’Amérique sa grandeur”.
Extrémiste religieux, anti-gays, anti-avortement, accusé d’attouchement sur mineures
Il était inimaginable qu’un républicain puisse perdre une élection dans un Etat qui n’a pas élu de sénateur démocrate depuis 1992. Mais Roy Moore n’est pas un républicain comme les autres, et les sondages ne lui donnent plus l’avance décisive qu’il avait avant la publication par le Washington Post des premières accusations de femmes, pour des faits remontant aux années 1970 et 1980, et qu’il nie en bloc. Une enquête publiée lundi par Fox News le donne perdant de 10 points… Mais une autre, réalisée par Emerson, produit un résultat inverse.
Agé de 70 ans, Roy Moore a été élu deux fois président de la cour suprême de l’Alabama, fonction dont il a été déchu deux fois: la première en 2003 pour avoir refusé de retirer d’un bâtiment judiciaire une statue de deux tonnes en l’honneur des Dix Commandements; la seconde en 2016, après avoir défié la Cour suprême des Etats-Unis en refusant d’appliquer sa décision légalisant le mariage pour tous.
Ici, l’establishment républicain et de nombreux habitants méprisent l’extrémisme religieux de l’ancien magistrat, désigné en août lors d’une primaire très disputée. Mais l’équilibre du Sénat américain est dans la balance, et l’occupant de la Maison Blanche, après avoir tergiversé, a apporté un soutien entier au “juge Moore” -une alliance pragmatique entre le populisme économique du président et l’activisme religieux de l’ancien magistrat, qui a habilement réorienté son message pour s’ériger en bête noire de “l’establishment”.
Élection perdante pour les républicains quoi qu’il arrive
Steve Bannon, l’ex-conseiller présidentiel et gardien autoproclamé de la révolution trumpiste, s’est affiché à nouveau aux côtés de Roy Moore lundi soir lors d’un dernier meeting, le premier depuis six jours pour le candidat, quasi-invisible ces derniers jours à part dans les omniprésentes publicités télévisées.
Pour l’état-major républicain, à Washington, l’élection est perdante dans tous les cas. Si Roy Moore l’emporte, le parti craint d’être sali par association. Et s’il perd, la majorité actuelle du Sénat, de 52 sièges sur 100, passera à 51, une marge de manoeuvre extrêmement étroite.
Face à lui: Doug Jones. Le démocrate est un ancien procureur fédéral de 63 ans, connu pour avoir fait condamner des membres du Ku Klux Klan dans l’incendie mortel d’une église noire à Birmingham. Pour l’emporter, il devra mobiliser la base démocrate et la minorité noire comme Barack Obama l’avait fait.
Les accusations contre Trump refont surface
Outre-Atlantique, on regarde cette élection avant une extrême attention. L’issue du scrutin va montrer si l’élection de Donald Trump, très conservateur et lui aussi accusé de harcèlement sexuel et de gestes déplacés par une dizaine de femmes, était un moment d’égarement ou un choix assumé.
Trump s’était vanté en termes crus de pouvoir “attraper” les femmes par l’entrejambe grâce à sa célébrité dans une vidéo de 2005 dont la diffusion en octobre 2016 à un mois de l’élection présidentielle avait fait scandale. Trump avait pourtant remporté la présidentielle grâce à des électeurs qui assuraient notamment que le milliardaire ne pouvait rien dire ou faire qui pourrait les empêchés de lui donner leur bulletin de vote.
Les révélations début octobre d’accusations de viols et de harcèlement sexuel envers le producteur de cinéma Harvey Weinstein ont ouvert la voie à des accusations d’abus sexuels envers une multitude d’hommes de pouvoir dans les milieux du divertissement, des médias, de la culture mais aussi de la politique, et ont ramené les accusations contre Trump sous les projecteurs.
Trois femmes qui avaient déjà accusé Trump de comportement sexuel inapproprié l’année dernière ont demandé lundi au Congrès d’ouvrir une enquête sur les agissements du président, deux d’entre elles ayant notamment assuré avoir été victimes d’agression sexuelle de sa part. La Maison Blanche a immédiatement réagi lundi en dénonçant “l’absurdité” de ces témoignages, qualifiés de “fausses accusations” mus par des “motivations politiques”.