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Égypte : l’athéisme bientôt criminalisé ?

Syrine Attia 29.12.2017
La semaine dernière, le comité religieux du Parlement égyptien a annoncé la préparation d’un projet de loi visant à criminaliser et à interdire l’athéisme. Une proposition qui porte atteinte à une communauté déjà réprimée.

Faire de l’athéisme un crime, telle est l’ambition affichée par le député égyptien Amr Amroush, président du comité religieux du Parlement égyptien. Si le projet de loi n’a pas encore été voté à l’assemblée, il a néanmoins reçu l’aval d’Al-Azhar, la plus haute autorité religieuse sunnite.
Ce dernier prévoit des peines allant de l’amende à la prison et inclut notamment une surveillance sur internet et sur les réseaux sociaux, pour censurer les sites faisant la promotion de l’athéisme. Dans une interview au quotidien national Al-Chourouk, publiée samedi 23 décembre, le député parle d’un « fléau qui se propage surtout au sein de la jeunesse égyptienne. »


Une « pensée empoisonnée »
Il insiste notamment sur l’absence de frein juridique qui pourrait empêcher de faire passer cette loi. Pourtant, la Constitution égyptienne garantit bel et bien « la liberté de croyance », même si l’article 2 de la Constitution déclare l’islam comme étant une « religion d’État », et les principes de la charia (loi islamique) comme principale source de la législation.
Il est nécessaire de punir ceux qui ont été séduits par l’athéisme
Al-Chourouk rapporte également les propos de Mohamed Zaki, chef du Conseil Suprême d’Al-Azhar, qui a déclaré en soutien à ce projet de loi : « Il est nécessaire de promulguer des lois qui dissuadent les gens de violer les instincts naturels de l’homme et de punir ceux qui ont été séduits par l’athéisme. La force de dissuasion doit être sévère pour empêcher la propagation de cette pensée empoisonnée parmi les musulmans, notamment les plus jeunes d’entre eux ».


Le blasphème déjà criminalisé
Les poursuites pour blasphème ou encore pour diffamation religieuse sont monnaie courante en Égypte et relèvent de l’article 98 du code pénal égyptien. Conformément à cette loi, les citoyens qui ont insulté ou ridiculisé ces religions, ou encore fait la promotion d’idées « extrémistes » capables de nuire à l’ « unité nationale », sont passibles de six mois, à cinq années d’emprisonnement.
Cette loi permissive a d’ailleurs été la cause du séjour en prison de nombreux jeunes, à l’instar de Shérif Gaber, ou encore de Karim el-Banna, qui avaient tous deux écopé respectivement d’un an et de trois ans de prison au début de l’année 2015.
Le premier, pour avoir fait part de ses doutes sur l’existence de Dieu sur sa compte Facebook, le deuxième, pour avoir affiché son athéisme sur les réseaux sociaux. 
Ce projet de loi viendrait donc renforcer une loi déjà répressive à l’égard des athées. Car, si dans son état actuel, la loi égyptienne punit les personnes qui affichent publiquement leur athéisme, cette nouvelle loi viendrait criminaliser l’absence de croyance en elle-même.


Un conservatisme de plus en plus marqué
En septembre dernier, devant l’assemblée générale des Nations unies, le président Al-Sissi rappelait encore l’initiative égyptienne qui vise à « rectifier le discours religieux de l’islam, afin de mettre en avant ses valeurs de modération et de tolérance ». Pourtant, les initiatives de nature conservatrices se sont multipliées depuis sa prise de pouvoir.
Déjà en 2014, une semaine seulement après son arrivée, le ministère de la Jeunesse et du Sport, en coopération avec le ministère des Affaires Religieuses, avaient entamé un plan d’action national pour lutter contre « la diffusion de l’athéisme ».
Les tribunaux utilisent les incriminations de « débauche » ou de « prostitution » pour condamner les homosexuels
Plus récemment, après un scandale suscité par la présence de drapeaux arc-en-ciel lors d’un concert au Caire le 22 septembre 2017 du groupe libanais Mashrou’ Leila, des dizaines de personnes présumées homosexuelles ont été arrêtées.
La loi égyptienne, ne pénalisant pas pour l’instant l’homosexualité en tant que telle, les tribunaux utilisent les incriminations de « débauche » ou de « prostitution » pour condamner les homosexuels. Des parlementaires ont alors déposé un projet de loi visant à criminaliser l’homosexualité avec des peines allant d’un à trois ans d’emprisonnement.
Le 13 décembre 2017, une chanteuse égyptienne a également écopé de deux ans de prison pour être apparue dans un clip jugé « indécent ».