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Comme dans le film “Wonder”, comment sortir du harcèlement scolaire

Marine Le Breton 20/12/2017

CINÉMA – Jusqu’à présent, tout allait bien pour le jeune Auggie. Sa mère lui faisait classe à la maison et il excellait en sciences. Mais aujourd’hui, il doit faire sa rentrée en CM2. 

Et surtout, affronter le regard des autres, qu’il arrivait jusqu’ici à éviter en se cachant derrière un casque d’astronaute. Car Auggie est né avec une malformation du visage, qui va rendre sa première rentrée des classes bien plus difficile que pour ses camarades de classe.

“Wonder”, qui sort ce mercredi 20 décembre au cinéma, est un joli film de fin d’année sur la différence, et l’empathie. Basé sur le livre du même nom écrit par R.J. Pallacio, ce film au casting de luxe -Julia Roberts, Owen Wilson et Jacob Tremblay, la jeune étoile montante d’Hollywood- ce long métrage est aussi une parfaite illustration des mécanismes du harcèlement scolaire.
Comme le racontait l’auteure du livre auprès de Slate en 2013, c’est après avoir constaté la réaction de ses propres enfants face à une petite fille souffrant de la même maladie qu’Auggie qu’elle a voulu écrire ce livre. A la vue de celle-ci, son dernier a pleuré, l’air terrifié. Elle, a récupéré ses enfants au plus vite pour ne pas attrister la petite fille.
“J’ai vraiment été déçue par ma réaction. J’aurais aimé avoir le courage de me retourner et de regarder cette petite fille. Même si mon fils n’arrêtait pas de pleurer”, raconte-t-elle. J’aurais dû lui dire ‘Désolée, il n’a pas l’habitude de voir des gens comme toi. Comment t’appelles-tu?’ Admettre tout simplement sa présence au lieu de m’enfuir. Ce qui aurait donné un bel exemple à mes enfants. Mais je ne savais pas comment m’en sortir et je pense que c’est le cas de beaucoup de gens. J’ai agi par peur, et j’aurais aimé que ma première réaction soit de la considération et de la gentillesse. Mais parfois, de tels réflexes demandent du travail.”
Des comportements agressifs répétés…
Dans “Wonder”, Auguste Pullman (c’est son vrai nom) se retrouve confronté, chaque jour ou presque, aux moqueries de certains de ses camarades de classe, qui n’hésitent pas à le comparer, physiquement à Dark Sidious, le seigneur des Sith de “Star Wars”. Dans la cour de récréation, il est dévisagé. Dans son casier, il retrouve des dessins mal intentionnés. De tels comportements répétés sont caractéristiques du harcèlement scolaire.
“Un élève est victime de harcèlement lorsqu’il est soumis de façon répétée et à long terme à des comportements agressifs visant à lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté de la part d’un ou plusieurs élèves. Il s’agit d’une situation intentionnellement agressive, induisant une relation d’asservissement psychologique, qui se répète régulièrement”, est-il expliqué sur le site du gouvernement dédié au harcèlement scolaire.
… fondés sur la différence et la stigmatisation 

Selon ce même document, le harcèlement est “fondé sur le rejet de la différence et sa stigmatisation”, qu’il s’agisse de l’apparence physique, de l’identité de genre, des handicaps ou de l’appartenance à une minorité sociale ou culturelle. Auggie est atteint d’une malformation du visage depuis sa naissance. Ce syndrome de Treacher Collins, une maladie génétique, fait que le garçon est rejeté et stigmatisé par ses camarades de classe.

Par ailleurs, le harcèlement se caractérise souvent par une relation triangulaire victime-agresseur-spectateurs. Si la victime reste souvent silencieuse, par honte ou peur des représailles, c’est aussi le cas des spectateurs qui, s’ils ne participent pas directement au harcèlement, jouent un rôle passif en ne dénonçant pas ce qui se passe sous leurs yeux. C’est exactement ce qui se passe dans “Wonder”. Un tout petit groupe prend en grippe Auguste, pour ne pas dire un seul garçon. Mais tout le reste de la classe, à l’exception, petit à petit, de quelques-uns qui se lient d’amitié avec lui, reste passif et ne fait pas d’effort particulier pour faciliter la vie d’Auggie. S’interposer en tant qu’adulte
Pour sortir d’une situation de harcèlement, le gouvernement liste quelques règles simples, dont la plupart sont suivies dans le film et ont permis à Auggie de finir plus que convenablement son année.
Il faut par exemple s’interposer en tant qu’adulte. C’est ce que l’un des professeurs d’Auggie fait, quand il constate que certains dessins lui sont adressés. Cela montre qu’il est soutenu.
Il est également nécessaire de repérer les enfants isolés. C’est également l’ambition du directeur de l’école d’Auggie, qui n’hésite pas à contacter en amont de la rentrée quelques-uns de ses camarades pour lui faire une visite des lieux et faire connaissance, dans l’espoir que le jour J, il sera moins seul et stigmatisé. Les parents doivent aussi être au courant. Dans le cas d’Auggie c’est un peu particulier, car les parents savaient avant même la rentrée que leur fils risquaient d’être moqué.
Que ce soit dans le cas de la victime ou du harceleur, les parents ne doivent pas régler eux-mêmes le problème. “Il faut mettre du tiers dans tout règlement de conflit afin de trouver une solution honorable pour chaque partie. Il convient ainsi d’assurer une médiation entre les familles de la victime et de l’agresseur”, conseille le gouvernement. Ce que, dans “Wonder”, le directeur accomplit en convoquant le harceleur et ses parents afin de prendre les mesures nécessaires. “Choose Kind”
“Il ne s’agit pas juste ‘d’être’ gentil. Cela demande un effort supplémentaire, un choix à faire”, affirme l’auteure de “Wonder”. Qui a lancé, dans la foulée de l’écriture du livre, une campagne contre le harcèlement scolaire intitulée “Choose Kind” (Choisissez la gentillesse).
Ce petit “effort”, peut-être plus facile à dire qu’à faire quand on est un enfant d’une dizaine d’années, est mis en avant dans le film, à travers le premier ami d’Auggie, qui le soutient de plus en plus avec le temps qui passe. Puis d’autres, et ainsi de suite. Ce sont ces petits gestes, plus encore que l’intervention des adultes, qui permettent au garçon de tenir le coup pendant cette année scolaire.
Après la diffusion de ce film, Jacob Tremblay, qui interprète à merveille Auguste Pullman alors que lui-même ne souffre pas de malformation, espère que “chacun choisira la gentillesse en faisant ce qu’il peut pour rendre la journée de quelqu’un meilleure”.