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3000 nuits de Mai Masri: La Palestine est une femme


Rim Ben Fraj ريم بن فرج

Cet
article se veut un hommage au peuple palestinien en ce 29 novembre,
date anniversaire de la Résolution n°181, par laquelle 33 pays membres
de l’ONU ont voté un plan de partition de la Palestine, dont, à ce
jour, seul un point est appliqué: la création d’un État juif.

Au
bout de 70 ans d’existence de l’État d’Israël, imposé par la force au
nom du slogan “une terre sans peuple pour un peuple sans terre”, on
peut faire le constat que, s’il est un domaine dans lequel les
Palestiniens ont réussi, c’est celui du cinéma. De Hany Abou Assad aux
frères Arab et Tarzan Abou Nasser en passant par Michel Khleifi, Elia
Souleiman et Mohamed Bakri (pour ne citer que les plus connus), ils
réalisent des films documentaires ou de fiction, ou parfois de
docu-fiction, toujours ancrés dans leur histoire et leurs luttes. La
dernière venue dans le domaine de la fiction est Maï Masri. De père
palestinien et de mère US, elle a réalisé une dizaine de documentaires,
dont quatre avec son mari libanais Jean Chamoun, avant de s’attaquer à
la fiction, avec son chef d’oeuvre 3000 Layla (3000 nuits).
 

Projeté lors de festivals et d’événements pro-palestiniens à travers le monde, le film est entré dans les circuits commerciaux dans neuf pays, et a été distribué à une trentaine de cinémas en France.
Le Tanit de bronze et le Prix du meilleur scénario, largement mérités, qu’elle a décroché aux JCC (Journées cinématographiques de Carthage) de 2016 s’ajoutent aux nombreux prix déjà décernés, à Washington, San Francisco, Rotterdam, Bastia, Annaba et ailleurs.
Tourné en Jordanie, dans l’ancienne prison militaire de Zarka, le film a représenté ce pays, dont le Fonds du cinéma a été co-producteur, aux 89èmes Academy Awards de Hollywood en février dernier.
Basé sur des événements réels, 3000 nuits replonge dans les années 80, à la veille du massacre de Sabra et Shatila: les prisons israéliennes étaient pleines de prisonnières politiques palestiniennes , la révolte grondait.
Layal, une jeune institutrice de Naplouse, condamnée à 8 ans de prison pour un attentat dans lequel elle n’était pas impliquée, se retrouve dans une cellule avec des prisonnières de droits communs israéliennes; elle s’adapte petit à petit à l’environnement pénitentiaire étouffant, entretemps elle découvre qu’elle est enceinte, et décide de garder l’enfant.
Les prisonnières palestiniennes ont manifesté leur solidarité avec Layal après son accouchement, en transformant cet événement en fête. Elles vont considérer le petit Nour comme leur fils. Layal refusera jusqu’au bout le chantage exercé par les matonnes israéliennes pour qu’elle puisse garder Nour auprès d’elle en devenant une moucharde. Prises entre la répression des gardiennes et les prisonnières juives de droit commun, les prisonnières palestiniennes sauront s’unir dans leur diversité – miroir de la diversité de la société palestinienne – pour mener une lutte ouverte, violemment réprimée mais, en fin de compte, victorieuse. En se retrouvant à l’air libre, Layal, abandonnée par son mari (à notre grand soulagement) va pouvoir continuer sa marche à la liberté.
3000 Nuits est un film de femmes. Le jeu des actrices, dont une bonne partie ne sont pas professionnelles, est remarquable, notamment celui des Palestiniennes jouant les rôles d’Israéliennes, où elles sont plus vraies que nature. Sur cette “terre sans peuple” désormais surpeuplée, il n’y a pas photo pour savoir qui l’emporte, moralement. Les Layal d’aujourd’hui dans les prisons israéliennes sont 61 et les Nour 300.