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La province de Xinjiang, ce nouveau Tibet chinois ?

4 Septembre 2017

Partie un mois en Chine, Natacha de Mahieu nous dévoile un reportage photo réalisé dans une province mal connue du pays, dans le Xinjiang, où le pouvoir met en œuvre des mesures liberticides pour « homogénéiser » la population de la région. « A feu doux, le pouvoir central essaye de se débarrasser d’une culture sur laquelle il n’a aucune prise pour la remplacer par une culture vide de sens, basée sur le consumérisme et l’individualisme. Une culture qui ne laisse aucune place à une remise en question critique », raconte-t-elle. À sa demande, nous partageons son reportage.

Très peu d’informations nous parviennent du Xinjiang, cette vaste province à l’extrême Ouest de la Chine. Les quelques rares rapports qui atteignent les médias occidentaux relatent les attentats occasionnels perpétrés par les indépendantistes de la minorité Ouïghour. L’État central a de bonnes raisons de garder secret ce qu’il s’y passe pour tenir l’opinion publique internationale à bonne distance du génocide culturel qui est en train d’y prendre place. Celui-ci s’est fortement intensifié depuis quelques mois, avec l’arrivée au pouvoir de Chen Quanguo, tristement célèbre pour sa gestion des manifestations des moines Tibétains lorsqu’il était à la tête du Parti Communiste Chinois au Tibet. Tout porte à croire qu’il a la volonté d’utiliser les mêmes méthodes au Xinjiang.

Cette région riche en matières premières, rattachée à la Chine depuis un demi-siècle à peine, est quasiment indispensable pour le développement économique et industriel du pays. Un programme de développement accéléré y a été instauré, à coup de techniques dignes de la colonisation pour renforcer l’influence chinoise et endiguer pour de bon les velléités d’indépendance des Ouighours. Une grande partie de ce programme de colonisation consiste à pousser les Hans, l’ethnie majoritaire en Chine, à émigrer vers le Xinjiang. Pour ce faire l’Etat combine une propagande bien rodée présentant le Xinjiang comme le nouvel Eldorado, et des incitants économiques, par exemple en réservant les meilleures terres aux agriculteurs Hans. De ce fait l’économie du Xinjiang est presque exclusivement dans les mains des Hans, créant un gouffre d’inégalités.

Cependant, homogénéiser la population de la région est primordial pour garantir sa stabilité. Pour ce faire, Pékin accélère sa politique d’assimilation des Ouïghours, en allant jusqu’à offrir une prime pour les mariages mixtes entre Hans et la minorité ethnique, prime qui est officiellement destinée à promouvoir « l’intégration culturelle ». En 2017 pourtant, la rareté des ménages mixtes est le fruit d’une division grandissante, causée par les mesures répressives de l’État à l’égard des musulmans.

Historiquement, les musulmans du Xinjiang pratiquent un islam modéré et tolérant. Mais contraire à l’idéologie du parti communiste, la religion est considérée comme une menace pour le pays. Les pratiques religieuses sont de plus en plus contrôlées ; se rendre à la mosquée, porter la barbe ou appeler ses enfants par des prénoms islamiques est interdit pour les plus jeunes. Le gouvernement va même jusqu’à adapter les sourates du Coran qui lui semblent subversives. Aujourd’hui, poussés à bout par toutes ces mesures, les Ouïghours font face à un choix cornélien : la révolte ou l’assimilation. Le quotidien du Xinjiang est marqué par une tension permanente.

Les attaques contre les chinois se multiplient et la province est en quasi état de siège. Ces attaques donnent raison à la Chine, qui à son tour se présente comme une victime du terrorisme pour justifier des mesures encore plus liberticides. Les minorités sont contraintes à s’habituer à des contrôles de papiers permanents et forcées de télécharger une application de surveillance mobile qui permettrait aux autorités de détecter les contenus suspects à caractère religieux. Ces mesures, plus que d’assurer la protection de la population, ont avant tout pour but d’étouffer la culture locale.

Depuis l’accession au pouvoir de Quanguo, se rendre au Xinjiang est devenu quasiment impossible pour les étrangers. Les visas pour le Xinjiang sont systématiquement refusés et les quelques touristes contournant les règles sont forcés à rester sur les chemins touristiques, minimisant les possibilités de contact avec les populations Ouïghours. Sur place, la situation semble à tout moment sur le point de s’embraser…