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Au Texas, la tempête Harvey a provoqué de lourds dégâts écologiques

1 Septembre 2017

La tempête Harvey laisse derrière elle, dans la région de Houston, un territoire dévasté. Mais aussi des conséquences durables en termes de pollution et d’atteintes à la faune.

– Washington, correspondance
Après le passage de la tempête Harvey au Texas, les 4,5 millions d’habitants du comté de Harris n’ont pas le temps de souffler. Il est temps de penser à la reconstruction et surtout aux conséquences et dangers à moyen et long terme, qu’elles soient économiques, sanitaires, ou écologiques. Car les conséquences de la tempête vont être lourdes et durables. Dans maints domaines.
Selon les dernières estimations, Harvey pourrait figurer parmi les cinq catastrophes naturelles les plus coûteuses de l’histoire des Etats-Unis et atteindre une facture comprise entre 30 et 100 milliards de dollars.

Une facture salée, le secteur du pétrole touché

L’État du Texas représente 9 % du produit intérieur brut (PIB) états-unien. Le secteur du pétrole y joue un rôle considérable. Or Harvey – dont le passage a coupé l’électricité à près de 300.000 personnes – a provoqué la fermeture de plusieurs raffineries, dont celle de l’entreprise française Total à Port-Arthur. Ces fermetures représentent 16 % de la capacité nationale de production. Si l’on ajoute à cela les raffineries qui ont rouvert mais ne fonctionnent pas à pleine capacité, on atteint plus d’un quart de la capacité nationale, selon S&P Global Platts, cabinet spécialiste du marché de l’énergie.
Une baisse de production qui entraîne une hausse du prix de l’essence aux Etats-Unis. Depuis vendredi dernier, le gallon d’essence pour livraison en septembre échangé sur le marché new-yorkais s’est envolé de près de 30 %. Les inquiétudes sont d’autant plus grandes que les Américains célèbrent la Fête du travail lundi 4 septembre, l’occasion pour beaucoup d’entre eux de partir pour un week-end prolongé en voiture.

Un risque nucléaire pour l’instant maîtrisé

La plus grosse centrale nucléaire du Texas, à 145 km au sud-ouest de Houston, sur la côte, se trouvait près de la trajectoire de Harvey. Trois ONG ont réclamé en vain sa fermeture par mesure de précaution. Les responsables de la centrale indiquent qu’elle n’a pas été directement touchée, mais les inondations sur les routes l’entourant ont rendu difficiles les mouvements de son personnel. C’est pourquoi 250 employés sont restés sur place, dormant sur des lits de camp et faisant leur lessive dans la douche, afin de garder la centrale ouverte et de fournir de l’électricité à quelque deux millions de personnes.

Vers une plus grande pollution de l’air

L’usine chimique de la firme française Arkema, à une quarantaine de kilomètres de Houston, était étroitement surveillée depuis plusieurs jours. Elle a fini par être touchée par deux explosions dans la nuit de mercredi 30 août à jeudi. Les inondations ont en effet coupé le ravitaillement en électricité dont l’usine a besoin pour refroidir ses peroxydes organiques, un composé qui entre dans la fabrication de plastiques. Une quinzaine de policiers ont été soignés pour des irritations liées à la fumée noire de l’explosion. Heureusement, l’évacuation préalable du voisinage et l’absence d’infrastructures vitales dans les alentours (hôpitaux, écoles, etc.) ont permis d’éviter le pire. Près de 3.800 personnes vivent dans un rayon d’environ cinq kilomètres autour de l’usine.
Selon Arkema, qui s’attend à de nouvelles explosions, il n’y a pas d’autre choix que de laisser brûler les produits chimiques restants. Sont-ils dangereux pour la santé ? « Quand il se décompose et brûle, le peroxyde organique dégage une fumée qui peut être irritante mais non toxique s’il n’y a pas d’exposition prolongée et massive », a indiqué jeudi à l’AFP Michel Delaborde, directeur général délégué d’Arkema. Les fumées n’ont pas généré « une concentration inquiétante de matériaux toxiques à l’heure actuelle », a indiqué de son côté l’Agence américaine de l’environnement (EPA).
Cependant, indique à Reporterre une équipe française de télévision qui a été sur place, « nous sommes tous rentrés avec la gorge qui brûlait après avoir passé trois heures au niveau du site d’Arkema, derrière le périmètre de sécurité, à environ 3 kilomètres ».
Arkema n’est qu’une usine parmi d’autres. Houston héberge environ 450 usines pétrochimiques. Les raffineries endommagées peuvent aussi produire des fumées toxiques, comme celles d’ExxonMobil à Baytown, dont le toit a été abîmé et qui tente de “minimiser” les émissions. Et les mesures de précaution prises par certaines, à savoir de simplement arrêter l’usine, ne sont pas forcément dénuées de danger. Le simple fait de les fermer et de les rouvrir plus tard entraîne de la pollution, un peu comme lorsqu’on éteint et redémarre un moteur de voiture, selon le Fonds de défense de l’environnement (EDF), cité par la radio publique américaine NPR. Le groupe Air Alliance Houston estime ainsi que les usines pétrochimiques vont relâcher environ 453 tonnes de matériaux toxiques — dont bon nombre d’entre eux cancérogènes – à cause de la tempête et des inondations. Plusieurs habitants se sont déjà plaints d’odeurs et de maux de tête. Les populations les plus exposées sont les plus pauvres et les minorités, celles qui habitent près des usines, comme dans le quartier de Manchester à Houston, en majorité latino.

Les eaux usées, vectrices de maladies

Les eaux stagnantes des inondations représentent elles aussi un danger pour les habitants : eaux usées, bactéries, virus, champignons, métaux lourds et pesticides y prolifèrent. Les moustiques porteurs de maladies comme le virus Zika ou le Chikungunya pourraient aussi trouver de nouvelles zones pour se reproduire.
Au-delà des espaces inondés, les refuges pour rescapés peuvent être des lieux de contamination. Les médecins s’inquiètent notamment des risques de transmission de tuberculose, une maladie qui existe encore à Houston et se transmet par voie aérienne.
Enfin, les professionnels de santé alertent sur toutes les blessures qui peuvent survenir lors de la reconstruction : blessure au dos lorsqu’on porte des objets lourds, morsures d’animaux, coups de chaud, électrocution, etc. Sans parler à plus long terme du stress post-traumatique et des problèmes psychiatriques, notamment chez les personnes déjà vulnérables, que cette catastrophe pourrait engendrer.

Répercussions sur la faune

Il n’y a pas que les humains qui ont été déplacés : la métropole de Houston abrite des milliers d’alligators dans ses bayous et rivières, plus de vingt espèces de serpents et des milliards de fourmis rouges qui ont été eux aussi surpris par les inondations.
De nombreux cerfs pourraient en outre avoir été noyés, leur carcasse attirant tout un tas de mouches.
Les spécialistes sont surtout inquiets pour une espèce de chauve-souris qui vit sous les ponts de la ville de Houston. Quelque 300.000 d’entre elles vivaient ainsi sous le Waugh Bridge, dont l’intérieur a été submergé.