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Stagiaires précaires : comment les inégalités se perpétuent

5 août 2017

Attention, #StagiairesPrécaires ! Convaincus de la nécessité d’alerter l’opinion publique, des étudiant.e.s ont lancé une pétition en ligne pour dénoncer l’inégalité face aux stages. Faute d’une « gratification suffisante », ils estiment que bon nombre d’élèves sont obligés de refuser certaines propositions, pour se rabattre sur des stages plus accessibles financièrement en terme de logement, mais qui ne correspondent pas toujours à leurs attentes. Nous avons interrogé l’une d’entre eux, Marine Dufour.

« C’est pas normal, quand on vient de province, qu’on n’ait pas les moyens pour faire de stage ». En effet, lorsqu’on n’a pas de pied à terre à Paris, la gratification légale minimale de 554,40 euros ne suffit pas à elle seule pour subvenir aux frais d’un logement et aux dépenses de vie quotidiennes. Particulièrement vraie pour la capitale française, cette problématique se pose de manière plus générale à tous les étudiant.e.s, dès lors qu’ils ne peuvent pas compter sur l’aide financière de leurs parents. Les classes les plus fragilisées souffrent donc particulièrement de la situation, perpétuant les inégalités. Le groupe à l’origine de la pétition estime que cette réalité est l’origine d’inégalités, puisque les étudiant.e.s se voient privés d’« expériences professionnelles » pendant ou à la fin des études, expériences qui sont pourtant très souvent déterminantes pour la suite du parcours.

« Inégalités des chances »

Les personnes les moins fortunées peuvent ainsi être obligées de refuser certaines propositions de stage, du fait d’une gratification insuffisante. Les conséquences sont concrètes : les étudiants sont forcés de revoir leur projet professionnel, en étant obligés de préférer un contrat en apprentissage par exemple. Pendant les études, il est encore possible de s’aménager du temps pour travailler à côté et financer son cursus, rappellent les organisateurs de la pétition. Mais pendant la période de stage, cette possibilité n’est pas vraiment envisageable. Marine Dufour et ses amis ont donc décidé d’élever la voix contre ce qu’ils considèrent être une injustice.

Les organisateurs de la pétition demandent à ce que les règles concernant la manière dont la gratification est fixée soient révisées : ils souhaitent que l’indemnité de stage soit évaluée en fonction du lieu, de la taille et des moyens de l’entreprise. « Elle doit être adaptée pour que chaque étudiant puisse avoir des conditions de vie minimales ». Ces derniers mois, la pétition en ligne a reçu de nombreux échos : signée près de 50.000 fois, la pétition a été largement relayée dans les médias ainsi que sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #StagiairesPrécaires, les internautes ont tenu à rapporter leur propre expérience.

Les stages, essentiels pour les étudiant.e.s, source d’abus par les employeurs

Malgré les nombreux arguments avancés pour revoir les gratifications à la hausse, le débat n’est pas toujours facile. Ainsi, Marine Dufour regrette l‘incompréhension de certains, et les critiques de surface que peut essuyer l’initiative. Certains mettent en cause la volonté des étudiant.e.s de se rendre à Paris pour leurs stages, ce qui ne serait pas essentiel. « Beaucoup de secteurs économiques se trouvent à Paris » répond l’étudiante, qui considère que « les entreprises parisiennes payent peu mais prennent beaucoup de stagiaires ». Enfin, difficile de nier que le monde du travail a changé : les stages ne sont plus une simple option. Marine Dufour, elle, comptabilise presque 24 mois de stages sur l’ensemble de ses études.

Ces problématiques en rejoignent d’autres, qui ont toute trait à la précarité des étudiants et des jeunes travailleurs. Pourtant, regrette Marine, « aucune partie de la nouvelle loi travail qui se prépare ne traite du statut des stagiaires ». Or, certaines entreprises, à la recherche de « main d’œuvre pas chère » n’hésitent pas à exploiter les possibilités laissées par la législation : il n’est pas rare de voir des étudiants qui enchaînent les stages à la sortie des études – ce qui les oblige à s’inscrire de manière quelque peu artificielle dans une université. Ces situations, peu compatibles avec la protection des travailleurs, sont la marque d’un droit qui favorise la précarisation.

La pétition sera remise à la ministre du travail à la rentrée ; Marine Dufour espère que l’initiative provoquera une réaction de la part du gouvernement.