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La fausse paix sociale au Maroc


par M-J Fressard, solidmar, 22/8/2017. C’est à
coups propagande mensongère, d’illégalité, de répression de plus en plus
violente que le roi du Maroc et son Makhzen tentent de maintenir une illusoire
paix sociale dans le pays. Un roi plus riche que l’Émir du Qatar, un peuple en
queue de classements des pays pauvres, très mal placé en matière de liberté de
la presse (133è sur 180è pays) avec un taux d’alphabétisation de 68% en 2015.
Actuellement à la une -ou qui devrait l’être si tout n’était
pas fait pour l’occulter- deux peuples pacifiques qui ne demandent que la paix
et la justice sociale, la dignité et la démocratie : Des Rifains au nord et des
Sahraouis au sud qui refusent de se comporter en sujets serviles de Sa Majesté.
Réprimés, torturés.
 Au nord, le peuple marocain du Rif, toujours sous
contrôle militaire, marginalisé, discriminé, sans travail, sans université,
sans hôpital spécialisé dans le traitement du cancer, ce fléau qui le décime
depuis les attaques chimiques par les anciens colons espagnols.
Au sud le peuple sahraoui autochtone du Sahara Occidental,
un pays sur lequel le Maroc n’a aucune souveraineté légale. Et pourtant il se
l’approprie et en pille les richesses, impunément et sans aucun scrupule.
Comment la communauté internationale peut-elle accepter ce
comportement dictatorial illégal du Makhzen, et de son roi qui dans son
arrogance décide de n’avoir de comptes à rendre à personne ? Ce faux
démocrate qui signe toutes les conventions internationales et autres
résolutions alors qu’il n’en applique aucune ? Cette monarchie qui s’est
empressée d’offrir à son cher peuple une Constitution pour le tenir à l’écart
du dangereux printemps arabe en 2011, Constitution qu’il n’applique même
pas ? Pendant combien de temps cet autocrate se croira-t-il encore tout
permis dans son pays et dans les autres, simplement parce qu’Il est Lui ?
Pendant combien de temps sera-t-il encore soutenu par la « patrie des
droits de l’homme » ? Pour quelles basses raisons économiques n’y
a-t-il pas de réactions ?
Mais d’abord, qu’est ce que le Makhzen, ce mot mystérieux
aux dizaines de définitions ? Autrefois « magasin », entrepôt
fortifié, désignant l’administration du royaume ; aujourd’hui survivance
de ce vieux système féodal toujours opérationnel, effrayante pieuvre
omniprésente dont le roi est la tête, qui contrôle l’organisation sociale,
politique, religieuse et sécuritaire du royaume ; qui épie, emprisonne et
torture arbitrairement tout en entretenant un système de corruption à tous les
niveaux. « Aujourd’hui Mohamed VI concentre tous les pouvoirs et décide de
tout dans un Maroc qu’il considère comme son fief féodal et les Marocains comme
ses serfs.» http://maroc-leaks.com/maroc-dou-vient-fortune-de-mohammed-vi
La peur du Makhzen a heureusement diminué depuis le
« printemps arabe » et les courageuses luttes du mouvement du 20
février 2011.
*****
La fin horrible du jeune poissonnier Mohcine Fikri le 28
octobre 2016, broyé dans une benne à ordures en même temps que le poisson qu’il
allait vendre pour nourrir sa famille, a été le déclencheur d’une révolte qui
couvait depuis des décennies dans le Rif.
Une mort atroce, devenue symbole d’un peuple broyé par la Hogra,
ce sentiment d’humiliation permanente des plus pauvres en butte au
mépris du pouvoir, que les Rifains ont dénoncée tout au long des marches
pacifiques qui ont démarré spontanément dès le lendemain de la terrifiante
nouvelle. Elles ont eu lieu dans des villes du Rif, mais aussi partout au
Maroc, et en Europe où la diaspora est fortement représentée. Elles ne se sont
jamais arrêtées depuis.
Les slogans étaient d’abord essentiellement d’ordre social
et économique, puis dénonçaient les emprisonnements arbitraires de plus en plus
nombreux (plus de 300 à ce jour) exigeant la libération du représentant
charismatique de la lutte Nasser Zafzafi et des membres du Hirak, nom
donné à ce mouvement. La seule réponse de l’État étant comme
d’habitude tabassages, emprisonnements, torture, toujours la
torture ! Les revendications prennent une tournure plus politique. On
entend même parmi des slogans  “Mohammed VI, on n’a pas besoin de toi
!”
Une grenade lacrymogène utilisée comme une arme, lancée à
flux tendu, tue sur le coup un jeune Rifain pacifique, Imad Attabi. Dans ses
articles, Salah Elayoubi  explique pourquoi Imad en mort clinique a été
enlevé sous inutile assistance respiratoire d’un hôpital civil pour être
transporté à cinq cents kilomètres de là, dans un hôpital militaire qui dépend
de l’Etat-Major de l’armée, lui-même soumis aux ordres du roi. Le but est
d’ « empêcher les révélations concernant l’origine du projectile,
lové profondément dans le cerveau du malheureux et dont le Makhzen avançait
qu’il s’agissait d’une pierre lancée par les manifestants. » L’infirmier
qui a donné des nouvelles à la famille se trouve en prison. C’est grave de dire
la vérité au royaume chérifien…
Imad a été pleuré par toute la population, surtout par les
enfants qui voyaient en lui un  grand frère qui allait les défendre. Les
manifestations d’hommage ont été interdites et réprimées lors de la sépulture,
ce qui a jeté de l’huile sur le feu. Le calme relatif a donc été de courte
durée. Les manifestations continuent, à Imzouren, Nador…
Un médecin écrivain de Tanger, le Dr M. Lachkar, écrit sur Mediapart :
«Ces gouvernants, par leur politique de fermeté et d’intransigeance, ont montré
leur incapacité à prendre en compte les intérêts et les aspirations des
Rifains, mais aussi les intérêts et les aspirations de l’ensemble des
Marocains. Il faut des réponses aux revendications légitimes du Hirak et la
répression n’en est pas une. »
 Silence radio sur les ondes françaises…ou si peu. On
ne critique pas le Maroc dans nos médias officiels. Au retour de sa visite au
Maroc, Emmanuel Macron dit du roi qu’il est « préoccupé » par la situation
dans le Rif, et « … considère comme légitime qu’il y ait des
manifestations, qui sont prévues dans le droit constitutionnel. » Ce droit
constitutionnel n’est pas du tout respecté et la situation n’est pas
apaisée ! Un article d’Amnesty International le prouve. « Ces
manifestants, descendus dans les rues pour réclamer la justice sociale et de
meilleurs services, se retrouvent torturés et maltraités – passages à tabac,
menaces de viol, insultes et autres violences ». https://www.amnesty.org/…/morocco-dozens-arrested-over-mass-protests-in-rif-report
*****
Le comportement du Makhzen à l’égard du
« cher peuple » sahraoui est tout aussi grave et  inacceptable.
 Il faut se rappeler qu’en 1991, à la fin du conflit
entre Maroc et Polisario, l’ONU a mis en place la MINURSO, MIssion des Nations Unies
pour le Référendum d’autodétermination au Sahara Occidental, prévu depuis 1963.
Il doit garantir le cessez-le-feu et permettre au peuple sahraoui de choisir
son avenir, être marocain colonisé ou devenir libre citoyen sahraoui, le Sahara
Occidental étant le dernier pays africain à décoloniser.
Mohammed VI est absolument opposé à l’autodétermination, et,
comme son père Hassan II, il ne recule devant aucun moyen pour la faire
échouer. L’année dernière dans ce but il a exigé le départ de 84 membres de la
MINURSO comme s’il en était le patron. Il veut opposer à l’autodétermination
conforme aux droits de l’Homme, son plan d’autonomie pour garder la mainmise
sur « Son » Sahara.
La découverte de fosses communes dans le désert est, selon
les juges espagnols Baltasar Garzon et Pablo Ruz de l’Audience Nationale, la
preuve qu’un plan machiavélique de génocide a cherché à faire disparaître le
peuple sahraoui au profit d’une occupation par le peuple marocain. Dans le même
but, après la Marche Verte de Hassan II, trompeuse version civile de l’envahissement
avec chars et bombardements pour annexer son riche pays voisin, le Maroc y a
importé illégalement des colons en telle quantité que la population de faux
Sahraouis est bien plus importante que celle des  autochtones.
Une partie de la population sahraouie a fui ces
bombardements au napalm et s’est réfugiée en Algérie, dans la région désertique
de Tindouf. Plus de 40 ans après, elle attend toujours de pouvoir retourner
dans son pays.
L’autre partie restée sur place subit la colonisation dans
ses terres les plus riches occupées par le Maroc, protégées par le mur
militaire le plus long de la planète, truffé de mines antipersonnel.
Fatigués d’être au chômage, discriminés, réprimés,
emprisonnés et régulièrement torturés, des Sahraouis ont quitté la capitale El
Aaiun pour bâtir à une vingtaine de kilomètres, au lieu dit Gdeim Izik, ce qui
est devenu un immense camp de protestation de 15 000 à 20 000 personnes
arrivées en familles. Un vaste camp de 2000 tentes, bien organisé où, première
manifestation du « printemps arabe », ils vivaient heureux, mais sur
le qui-vive. Jusqu’au 8 novembre 2010. Ce jour, bien avant l’aube, ils ont été
brutalement réveillés par les hurlements des sirènes et le bruit des
hélicoptères, arrosés par des puissants canons à eau, asphyxiés par le gaz
lacrymogène, obligés de fuir, portant les bébés, et soutenant les vieillards.
Le camp a été saccagé et incendié avec rage par les forces de
l’ « ordre »…
 25 Sahraouis, principalement des militants actifs des
droits de l’Homme accusés, sans aucune preuve, d’avoir égorgé des membres de
l’armée, ont été arrêtés et emprisonnés au Maroc ; même ceux qui n’étaient
pas présents le jour du démantèlement, comme Naâma Asfari, et le journaliste
Hassan Dah qui n’a été arrêté qu’un mois plus tard. Ils écopent tous deux de 30
ans de détention.
Après 27 mois de détention préventive à Salé, les 16 et 17
février 2013 ils sont jugés par un tribunal militaire marocain. Très lourdes
sanctions basées sur les  aveux arrachés sous la torture, de 20 ans de
prison à la perpétuité, sans preuve, sans témoins, sans noms donnés des
militaires « égorgés ». Sous la pression d’ONG et d’avocats, le
procès est cassé en juillet 2016. De décembre 2016 à mai 2017 ont lieu, en
tribunal civil marocain et non sahraoui, une succession de simulacres de
procès, et la répétition des sanctions du tribunal militaire, avec preuves
inventées et faux témoignages ahurissants.

Parmi les comptes rendus des
faits, l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) dénonce
un traitement quasi sauvage des avocates françaises par les policiers qui « ont
saisi Me Olfa Ouled par le bras pour la trainer jusqu’à la porte et ont poussé
violemment Me Ingrid Metton jusqu’à la sortie de la salle. Me Ouled souffre
d’une élongation et d’un hématome au bras. Cet épisode choquant donne le climat
d’un procès que les magistrats n’essaient même plus de faire passer pour
équitable. Entre la comparution de faux témoins, la partialité manifeste de la
Cour, les interrogatoires sur la base d’aveux signés sous la torture et la
réalisation d’expertises médico-légales truquées pour écarter les allégations
de torture des accusés, il ne se trouve plus personne d’un tant soit peu
honnête pour louer la qualité de la justice marocaine dans ce procès »

Les prisonniers du groupe Gdeim Izik continuent donc à
subir, et ce depuis 2010, les traitements inhumains que connaissent tous les
prisonniers politiques au Maroc, du Rif au Sahara. Et le peuple sahraoui comme
le peuple rifain continuera à se faire tabasser, emprisonner, torturer…et à résister
la tête haute.
Et la France continuera à déclarer que le Maroc a vraiment
fait des progrès en matière de droits de l’Homme …