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Le gouvernement programme la fin de la voiture à pétrole en 2040

7 Juillet 2017

Fin de la voiture essence et diesel en 2040 : un objectif ambitieux. Qui n’est qu’une pièce du Plan climat du gouvernement présenté par Nicolas Hulot jeudi 6 juillet. Un plan aux allures de catalogue, qui dessine les axes de l’action envisagée. Revue de détail.
Le discours a largement dépassé les vingt minutes prévues ; pourtant, on reste sur sa faim. Jeudi 6 juillet à 11 h, le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a présenté le Plan climat du gouvernement, promis il y a quelques semaines par le président de la République Emmanuel Macron en réaction au retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris. Objectif, « que la France prenne sa part et le leadership dans le changement climatique », a déclaré M. Hulot.

Principale annonce, la hausse de l’ambition de la France en matière de lutte contre le changement climatique. L’objectif est désormais d’atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’absorption de ces gaz par les puits de carbone (forêts, prairies, etc.) d’ici 2050. Pour mémoire, la loi relative à la transition énergétique (LTE) d’août 2015 se donnait pour but de diviser par quatre les émissions de GES d’ici 2050 par rapport à leur niveau de 1990. « Seuls la Suède et le Costa-Rica ont déjà annoncé un tel engagement », s’est réjoui Nicolas Hulot, qui insiste sur la nécessité de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C, conformément à l’accord de Paris.
Sinon, la majorité des mesures annoncées figuraient déjà dans le programme du candidat d’En Marche !, y compris la fin de la vente de voitures diesel et essence à l’horizon 2040. Cette feuille de route présente en outre peu de mesures chiffrées et de court terme. « Le plan que je vais vous présenter n’est pas une fin en soi, a justifié Nicolas Hulot. Il va se structurer pendant les cinq années du quinquennat. Ce que je vais vous donner est une colonne vertébrale sur laquelle, je le dis à mes amis associatifs, on va pouvoir greffer un certain nombre d’éléments. » Deux échéances devraient permettre d’y voir plus clair : le projet de loi de finance qui sera présenté à la rentrée de septembre 2017, et la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévue pour fin 2018. Pour l’heure, que contient ce plan ? Reporterre fait le point.

Energie

Le plan prévoit la fermeture des quatre dernières centrales à charbon françaises d’ici 2022 « ou leur accompagnement vers des solutions moins carbonées ». Pour éviter que les salariés qui travaillent dans le secteur des énergies fossiles se retrouvent au chômage, des contrats de transition écologique seront mis en place.
Tout nouveau projet d’exploration d’hydrocarbures sera interdit. Cette interdiction sera inscrite dans un projet de loi présenté à l’automne prochain au Parlement. Par ailleurs, les concessions d’exploitation existantes ne seront par renouvelées et les gaz et pétrole de schiste demeureront interdits.
Pour atteindre l’objectif de 32 % d’énergies renouvelables en 2030 inscrit dans la LTE, le gouvernement va lancer un appel d’offre pour la métropole dans le cadre de la révision de la PPE. Il doit également proposer des mesures pour simplifier le déploiement des énergies renouvelables et réduire le temps moyen de développement des projets. « C’est un chantier difficile, conflictuel, a reconnu Nicolas Hulot. Actuellement, il se passe douze à quinze ans entre un appel d’offre pour un projet éolien offshore et le déploiement de la première éolienne, à cause des recours. On ne peut tout refuser. Il faut que chacun comprenne l’intérêt général. » Par ailleurs, le plan doit « permettre aux Français de produire et de consommer leur propre électricité ». « Aujourd’hui, 14.000 foyers font déjà de l’autoconsommation », a précisé le ministre.
Le plan entend également renforcer le prix du carbone bien au-delà de 100 euros la tonne de CO2. « En donnant un prix évolutif au carbone, on introduit un avantage compétitif aux énergies non carbonées, a plaidé Nicolas Hulot. Ces dernières sont encore désavantagées, puisque les énergies fossiles sont encore subventionnées à hauteur de 500 milliards de dollars par an au niveau mondial. A partir du moment où les investisseurs auront intégré le risque carbone, il y aura un effet levier qui va doper les énergies verte et bleue. »En revanche, aucune précision sur la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique français à 50 % en 2025, contre 75 % actuellement. Nicolas Hulot a bien réaffirmé cet objectif de la LTE dans son allocution, mais sans le développer. « Il faut d’abord identifier quels réacteurs fermer sur des critères sociaux et de sûreté. Comme derrière chaque centrale à charbon, il y a des vies, des familles, des compétences. Il faudra mettre en œuvre des contrats de transition. Mais une fois que la dynamique sera lancée, elle s’accélérera d’elle-même », a-t-il répondu alors qu’il était interrogé sur ce sujet. Pour l’heure, seule la fermeture de la centrale de Fessenheim a été planifiée – et encore, elle a été conditionnée à la mise en service de l’EPR de Flamanville, dont le chantier traverse une nouvelle zone de turbulences à cause des anomalies découvertes dans l’acier de sa cuve.

Transports

Le plan programme une mesure spectaculaire, mais à l’échéance lointaine : « L’objectif de mettre fin à la vente de voiture à essence ou au diesel en 2040, pour encourager les constructeurs automobiles à innover et à devenir leader de ce marché ». L’idée se conforte de la déclaration récente du ministre indien de l’Energie, Piyush Goyal, prévoyant la fin dans son pays en 2030 de voiture à pétrole ou diesel. De son côté, le constructeur Volvo a annoncé qu’il ne vendrait plus de modèle 100 % thermique à partir de 2019.
Autres mesures prévues :
– La convergence des fiscalités sur le diesel et l’essence, qui devrait s’effectuer progressivement durant le quinquennat ; 
– Une prime à la transition pour les ménages modestes qui souhaitent remplacer leur véhicule polluant et non éligible à la vignette Crit’Air (diesel d’avant 2001 ou essence d’avant 1997) par un véhicule moins polluant, neuf ou d’occasion, à partir de janvier 2018. Le montant de cette prime n’est pas précisé. Dans son programme environnemental, le candidat Emmanuel Macron avait établi cette prime à 1.000 euros ; 
– Des Assises de la mobilité organisées à la rentrée 2017 sous l’égide de la ministre chargée des transport Elisabeth Borne, qui ont vocation à préparer une loi d’orientation des mobilités présentée au premier semestre 2018.
Priorité doit être donnée aux transports du quotidien. En conséquence, le projet de LGV Lyon-Turin est « en pause », a indiqué Mme Borne à Reporterre à l’issue de la conférence de presse.

Logement

Le document se donne pour objectif « d’éradiquer la précarité énergétique en dix ans » et de faire disparaître les quelques 8 millions de passoires thermiques durant cette même période. Pour cela, il prévoit : 
– La publication d’une feuille de route pour le quinquennat en septembre 2017, dont les objectifs seront repris dans la loi de finance 2018 ; 
– L’accompagnement des propriétaires et locataires modestes en situation de précarité énergétique, avec des audits et « des propositions de solution de rénovation et de financement adaptées ». Les premiers audits devraient démarrer début 2018, pour que les travaux soient terminés avant l’hiver 2018-2019. 4 milliards d’euros du plan d’investissement promis par Emmanuel Macron devraient être dédiés à cette action. 
– La rénovation thermique des bâtiments publics, financée en partie par 4 milliards d’euros supplémentaires issus du plan d’investissement.
Recyclage
Le plan met l’accent sur « l’économie circulaire », avec pour objectifs 100 % de plastique recyclé d’ici 2025 sur tout le territoire et division par deux des déchets mis en décharge : 
– Une feuille de route pour l’économie circulaire doit être publiée en 2018, qui précisera les mesures concrètes envisagées en matière de fiscalité des déchets par exemple. 
– L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) doit généraliser une offre d’accompagnement gratuit à destination des petites entreprises, pour les aider à optimiser leur consommation d’eau, d’énergie et de matières premières.

Agriculture et forêt

Concernant la transition agricole, le plan se contente de rappeler les cinq axes qui seront discutés à l’occasion des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation, en ce mois de juillet 2017 : 1) Les pratiques de consommation alimentaire, 2) la réduction des quantités d’engrais azotés, 3) la mobilisation de nouvelles technologies, 4) un plan d’action pour la protection des sols, la lutte contre leur artificialisation et la souveraineté alimentaire, 5) les mesures pour renforcer la séquestration de carbone dans le sol.

Artificialisation des sols

Interrogé au sujet du projet de méga-centre commercial et de loisirs Europacity, qui prévoit la bétonisation de 300 hectares de terres agricoles très fertiles sur le triangle de Gonesse (Val-d’Oise), le ministre de la Transition écologique et solidaire a répondu que « cette gourmandise à artificialiser nos sols est incompatible avec nos objectifs. Nous devons garder en tête un objectif de zéro artificialisation nette des sols et cesser d’avoir la folie des grandeurs ».
Interrogé par Reporterre à propos de l’intention du gouvernement d’alléger les normes sur la construction, ce qui pourrait stimuler l’urbanisation, le ministre a répondu : « Si on veut garantir la souveraineté alimentaire de la France, et s’affranchir des importations de protéines végétales, il faut se poser la question de savoir si l’on va avoir suffisamment de terres agricoles. ». Quant au droit simplifié, il répond : « Mon ministère est un point de vigilance extrême, et cette vigilance est déjà à l’oeuvre. On peut accompagner la simplification, mais simplification ne veut pas dire réduction des normes ».
Le texte se montre plus disert sur la lutte contre la déforestation, en prévoyant, d’ici mars 2018, la publication d’une stratégie nationale pour mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles (huile de palme, soja, etc.) contribuant à la déforestation des « trois plus grandes forêts tropicales du monde, l’Amazonie, l’Asie du sud-est et le bassin du Congo ». « La déforestation est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. » a rappelé Nicolas Hulot.
D’autres mesures sont évoquées dans ce plan, notamment pour intensifier le rayonnement de la France sur les scènes européenne et internationale. Ainsi, il engage le gouvernement à faciliter autant que possible les négociations internationales sur le climat et cherche à attirer les cerveaux étrangers grâce à l’initiative « Science, come to France » et par l’accueil de la 47e session plénière du Giec, au printemps 2018.
Ce catalogue n’a guère convaincu les ONG. « Il y a trois grands absents dans le plan climat, a souligné le Réseau action climat (Rac) dans un communiqué. Celui-ci passe totalement sous silence la nécessaire fermeture de réacteurs nucléaires, indispensable (…) pour laisser la place aux énergies renouvelables. (…) Il n’y a pas de nouvelle mesure concrète ; la taxe sur les transactions financières, censée générer des recettes pour la solidarité internationale, ne figure pas dans ce plan. Pourtant, le président de la République s’était engagé le 6 juin (…) à soutenir activement un accord européen sur cette taxe d’ici le mois de juillet 2017 ».
« Où sont les mesures concrètes face à l’urgence climatique ? », demande de son côté Greenpeace France. Outre la taxe sur les transactions financières, Attac pointe le silence du texte sur les traités internationaux de libre-échange (Ceta, Tafta, Gefta) « qui constituent aujourd’hui des entraves manifestes pour mener des politiques climatiques qui soient à la hauteur des enjeux ».

Un catalogue qui ne convainct guère les ONG écologistes

Ce catalogue n’a guère convaincu les ONG. « Il y a trois grands absents dans le plan climat, a souligné le Réseau action climat (Rac) dans un communiqué. Celui-ci passe totalement sous silence la nécessaire fermeture de réacteurs nucléaires, indispensable (…) pour laisser la place aux énergies renouvelables. (…) Il n’y a pas de nouvelle mesure concrète ; la taxe sur les transactions financières, censée générer des recettes pour la solidarité internationale, ne figure pas dans ce plan. Pourtant, le président de la République s’était engagé le 6 juin (…) à soutenir activement un accord européen sur cette taxe d’ici le mois de juillet 2017 ».
« Où sont les mesures concrètes face à l’urgence climatique ? », demande de son côté Greenpeace France. Outre la taxe sur les transactions financières, Attac pointe le silence du texte sur les traités internationaux de libre-échange (Ceta, Tafta, Gefta) « qui constituent aujourd’hui des entraves manifestes pour mener des politiques climatiques qui soient à la hauteur des enjeux ».