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Quand les immigrants européens faisaient peur

27 Mai 2017


Je suis tombé une fois sur une émission de la RAI italienne qui rappelait qu’avant c’était nous les immigrés. Et en effet les italiens sont allés partout, en France, en Argentine, en Amérique du Nord, dans le reste de l’Europe. Comment s’opposeraient-ils aux nouveaux venus sur leur sol ?

En 1916 Lénine remarque une déjà vieille lune :

« Parmi les caractéristiques de l’impérialisme qui se rattachent au groupe de phénomènes dont nous parlons, il faut mentionner la diminution de l’émigration en provenance des pays impérialistes et l’accroissement de l’immigration, vers ces pays, d’ouvriers venus des pays plus arriérés, où les salaires sont plus bas… »

Evidemment cela ne convient pas à tout le monde. Quelques années avant, un des plus grands génies de  notre littérature écrit dans des notes acerbes :

« Des Arabes, des nègres, des Turcs, des Grecs, des Italiens, d’autres encore, presque nus, drapés en des loques bizarres, mangeant des nourritures sans nom, accroupis, couchés, vautrés sous la chaleur de ce ciel brûlant, rebuts de toutes les races, marqués de tous les vices, êtres errants sans famille, sans attaches au monde, sans lois, vivant au hasard du jour dans ce port immense, prêts à toutes les besognes, acceptant tous les salaires, grouillant sur le sol comme sur eux grouille la vermine, font de cette ville une sorte de fumier humain où fermente échouée là toute la pourriture de l’Orient. »

Il s’agit de Maupassant, idole du raciste Lovecraft, qui reste l’un des auteurs français les plus lus dans le monde – avec l’italien Balzac et le demi-nègre Dumas. Pour ce normand, nègre, grec ou italien c’est un peu la même chose. Il n’est pas le seul à penser ainsi à son époque.

C’est que quand on est pauvre et qu’on émigre, on pue. Un auteur aussi peu raciste que Mirbeau écrit dans une page de 628 E8 :

« Des ouvriers de Hongrie, de Roumanie, des paysans serbes, des prolétaires bulgares, dont le goût s’apparente à celui des nègres, des troupes de chanteurs russes s’embarquent pour l’Amérique… Leur lassitude, déjà, fait de la peine… Des femmes éclatantes et vermineuses, en loques rouges, avec de pauvres bijoux de cuivre, traînent, comme des baluchons, des enfants qui pleurent de fatigue, de faim, d’étonnement. On se demande ce que tout cela va devenir, et s’ils arriveront jamais au bout de l’exil… On les fait descendre brutalement, on les empile, comme des marchandises qu’ils sont, au fond des cales, et, durant des jours et des nuits, ils seront entassés là, pêle-mêle, dans la puanteur de leur misère et de leur crasse, sans air, presque sans lumière, à peine nourris, soumis à la discipline la plus dure… Ils n’auront même pas cette sorte de répit qu’est le voyage ; ils ne connaîtront pas cette sorte d’engourdissement, cet anesthésique, qu’apporte aux plus désespérés ce vague énorme, berceur, de l’infini de la mer et du ciel. »