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« Nous n’avons pas besoin des multinationales. La solution, c’est leur dissolution »

5 Juin 2017

Savons-nous vraiment ce qu’est une multinationale aujourd’hui ? Comprenons-nous la nature de son pouvoir, de son « totalitarisme pervers » et les moyens de le combattre réellement ? Dans un livre important, De quoi Total est-elle la somme ?, le philosophe Alain Deneault dresse, à partir du cas de ce géant pétrolier, le portrait d’une multinationale comme un acteur politique mondiale. Un acteur au-dessus des souverainetés démocratiques nationales ou internationales : un « pouvoir » en soi, évoluant dans un monde où les règles du jeu sont taillées sur mesure. Finalement, avons-nous réellement besoin des multinationales, s’interroge le philosophe ? Entretien.

Votre livre De quoi Total est-elle la somme ? est à la fois un portrait de Total et une analyse du pouvoir des multinationales aujourd’hui. D’où vient ce projet ?

C’est un livre qui me semblait manquer. Je ne comprenais pas qu’il n’existe pas. Il y avait beaucoup d’informations disponibles sur Total, grâce au travail d’ONG, de journalistes ou encore de documentaristes. Mon idée de départ était de produire une synthèse à partir de ce matériau. Au final, la problématique qui m’a servi de fil conducteur pour organiser la masse d’informations à laquelle j’étais confronté a été de prendre au sérieux l’assertion répétée des dirigeants de Total selon laquelle tout ce que fait l’entreprise est entièrement légal. Non pas pour réfuter cette assertion, mais au contraire pour essayer de la comprendre. Ce qui supposait de me lancer dans des considérations relatives à la sociologie ou à la philosophie du droit, afin d’identifier les raisons qui font qu’une entreprise comme Total peut coloniser, corrompre, comploter, polluer – tous les verbes qui donnent leur titre aux chapitres de mon livre – de manière légale.