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Des chimpanzés défigurés en Ouganda, les pesticides suspectés

12 Mai 2017


Certains chimpanzés du parc national de Kibale, en Ouganda, présentent d’étranges malformations de la face et des troubles de la reproduction. La primatologue Sabrina Krief et son équipe soupçonnent les pesticides utilisés alentour.

« Certains chimpanzés semblaient avoir une face très aplatie, qu’on n’avait jamais vue ailleurs. En s’approchant davantage, on s’est rendu compte qu’il y avait vraiment un problème. Certains individus n’avaient pas de narines, d’autres carrément la face creuse ; une chimpanzé semblait avoir quelque chose qui ressemblait à un bec-de-lièvre. » Sabrina Krief, vétérinaire et professeure au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), étudie les chimpanzés du parc national de Kibale, en Ouganda, depuis une vingtaine d’années. Mais rien ne l’avait préparée à ce qu’elle allait découvrir dans le secteur de Sebitoli, au nord du parc : des malformations impressionnantes, sans doute liées à une exposition à des pesticides, ce qu’elle raconte dans un article publié dans Science of theTotal Environment le 24 avril.

L’équipe de recherche a commencé en 2008 à explorer cette poche de forêt tropicale humide d’environ 25 kilomètres carrés. Objectif : vérifier si des chimpanzés habitent ce territoire dégradé, coincé entre une route goudronnée très fréquentée au sud et des cultures intensives de thé et d’eucalyptus et des jardins vivriers à l’ouest, au nord et à l’est. Elle y a découvert que seize des soixante-six primates identifiés — un quart de la communauté, une proportion considérable — présentent des malformations nasales. Une femelle adulte a un bec-de-lièvre et a « une main bizarre, avec juste un pouce, trois doigts manquants et juste un petit bout de petit doigt », décrit Mme Krief. Certains de ces primates souffrent aussi de troubles de la reproduction. « Plusieurs femelles n’ont pas de cycle sexuel, pas de gonflement de la zone ano-génitale caractéristique de la période de l’ovulation, précise la chercheuse. On ne les a jamais vues avec des bébés et elles n’ont a priori pas de descendants. » Des affections bizarres, que Sabrina Krief et ses collègues n’ont jamais observées chez les autres groupes de chimpanzés du parc, à Ngogo, Kanyawara et Kanyanchu.