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Trump, Poutine, Erdogan, Le Pen : « C’est le nationalisme pour les pauvres et le libéralisme pour les riches »

20 Avril 2017


S’adapter à la mondialisation, ou accepter le repli identitaire des Trump, Wilders et Le Pen ? Nombreux sont ceux qui réduisent le champ des possibles à ces deux seules options, convoquant le Brexit ou l’élection du président américain pour justifier le vote utile et disqualifier celles et ceux qui sont en recherche d’une alternative. Dans un essai décapant, le politologue Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’étude des État-nations, montre au contraire comment la globalisation et le repli national-identitaire, loin d’être antagoniques, fonctionnent ensemble, enfermant nos sociétés dans une impasse, dont il est urgent de sortir par la construction d’« un nouvel universalisme politique ».

Basta !  : Dans votre ouvrage intitulé L’impasse national-libérale. Globalisation et repli identitaire, vous utilisez une notion originale pour décrire le monde actuel et ses évolutions tragiques : le « national-libéralisme ». Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ? 

Jean-François Bayart : Il s’agit d’abord d’un concept qui permet de nous départir de l’illusion, omniprésente dans le discours politique et médiatique, selon laquelle il y aurait un jeu à somme nulle entre la globalisation des marchés d’une part et, de l’autre, l’État-nation et les identités. Les identitarismes, les souverainismes seraient une forme de résistance à la globalisation. Erreur funeste, car ils en sont une fonction, une pleine composante. Depuis deux siècles, la globalisation repose sur la mondialisation économique et financière, sur l’universalisation de l’État-nation et sur les idéologies de repli identitaire. C’est cette synergie, cette combinaison entre ces trois éléments, que désigne le concept de national-libéralisme, que j’utilise comme un idéal-type, c’est-à-dire comme un modèle qui n’existe pas à l’état « pur » dans la réalité, mais qui sert à mieux la comprendre.