General

Claude Serfati : « L’armée et les industries d’armement sont plus que jamais chez elles dans la Ve République. »

21 Avril 2017


Quel est le lien entre la multiplication des interventions militaires françaises à l’étranger, la priorité donnée au Rafale et aux exportations d’armes, et l’instauration de l’état d’urgence en France ? Dans son livre récent Le Militaire. Une histoire française (éd. Amsterdam), Claude Serfati montre à quel point l’armée et les industries militaires sont « chez elles » dans les institutions et l’économie politique de la Ve République. Une tendance qui n’a fait que s’aggraver ces dernières années, sans que le poids politique et économique exorbitant du militaire en France soit vraiment contesté ni même débattu, y compris à gauche. La campagne électorale actuelle ne fait pas exception. Entretien.

Vous montrez dans votre livre la place centrale de l’institution militaire en France, dont vous dites qu’elle est « sans équivalent dans aucune autre démocratie » et qu’elle « n’a cessé de se renforcer au cours des dernières décennies ». Comment se traduit concrètement ce poids du militaire et de l’armée dans la vie politique et économique française ?

Il se traduit d’abord sur le plan strictement constitutionnel, à travers l’ensemble des pouvoirs militaires et sécuritaires attribués au chef de l’État par la Ve République. Les chercheurs qui procèdent à des comparaisons internationales s’accordent sur le fait que le président de la République en France est le chef d’État le moins contrôlé de toutes les démocraties, notamment en ce qui concerne le pouvoir de faire la guerre. Le poids du militaire s’observe également bien entendu dans la politique extérieure et ses priorités. Les interventions militaires de la France à l’extérieur de ses frontières, principalement en Afrique, sont devenues si nombreuses qu’il devient difficile de les compter. Il y en aurait eu 25 pour la seule année 2015. Avec l’instauration de l’état d’urgence, l’armée a également repris une place importante dans les questions de sécurité intérieure.