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La face cachée de la guerre de la banane bio

17 Mars 2017


Les producteurs de bananes des Antilles françaises jettent le discrédit sur les bananes bio, toutes importées. Mais la banane « française » est une monoculture d’exportation très concentrée, révélatrice des luttes sociales en Martinique et en Guadeloupe.

Tout a commencé au Salon de l’agriculture, avec un slogan fièrement brandi par les producteurs de banane de Martinique et Guadeloupe sur leur stand : « La banane française, mieux que BIO, c’est possible ! »
Mieux que bio ? Les bananes bio vendues en France sont importées depuis la République dominicaine principalement, mais aussi depuis l’Équateur ou le Pérou. « Ces bananes sont estampillées bio. Mais le consommateur est abusé. Les producteurs autorisent les épandages aériens et peuvent passer jusqu’à 25 fois avec une huile, le banole, que nous ne pouvons passer que six fois en France, en conventionnel. Par ailleurs, ils peuvent utiliser 14 substances interdites chez nous, sans parler du fait que socialement, on est largement meilleur. Un Haïtien en République dominicaine est payé 5 dollars par jour », explique Sébastien Zanoletti, chargé de l’agriculture durable à l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN). On nous vendrait donc de « fausses » bananes bio. Il souligne par ailleurs les efforts faits par les producteurs de la filière en Martinique et en Guadeloupe : « On a réduit de 60 % l’utilisation des pesticides. »

Une main-d’œuvre moins chère, une législation moins contraignante, un label valorisant : l’UGPBAN dénonce donc « haut et fort » la « concurrence déloyale » que font ces pays tiers à la banane française, qui subit la baisse des prix depuis la libéralisation du marché.
Ces accusations ont provoqué l’ire des acteurs français du bio. Dès le début du Salon, le Synabio, syndicat des entreprises du bio, a déposé un référé demandant l’arrêt de cette campagne de « détournement du mot bio », explique Charles Pernin, son délégué général. « S’ils sont mieux que bio, c’est qu’ils sont au moins bio. Or, ce n’est pas le cas, les producteurs de Guadeloupe et Martinique utilisent des pesticides de synthèse. Cette campagne jette le discrédit sur une production certifiée, avec une communication déloyale. » Le tribunal leur a donné raison le 1e mars, demandant à l’UGPBAN de retirer cette communication.