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Film : « 3.000 nuits » ou la vie palestinienne vue d’une prison de femmes

31 Décembre 2016

Avec « 3.000 nuits », l’histoire d’une Palestinienne qui accouche en prison et décide d’élever son enfant derrière les barreaux, en salles mercredi 4 janvier (*), la réalisatrice Mai Masri a choisi de porter un regard à la fois sensible et féminin sur le conflit israélo-palestinien.


L’actrice Maisa Abd Elhadi incarne Layal, personnage principal du film « 3.000 nuits », condamnée à 8 ans de prison au début des années 80
Ce premier film a déjà été présenté dans de nombreux festivals à travers le monde, où il a souvent séduit le public. Il a même, un temps, été en lice pour les Oscars et les Golden Globes aux États-Unis.

Un succès qui ravit Mai Masri, à un moment où le sort des Territoires palestiniens « ne fait plus la une ». « Il faut à travers les films rappeler ce qui s’y passe: il y a encore 6.000 personnes (dans les prisons israéliennes) dont des enfants », affirme la réalisatrice lors d’un entretien à Paris avec l’AFP.

Sans compter « les Palestiniens qui sont dans une prison à ciel ouvert, surtout à Gaza ». « La prison est une métaphore parfaite des Palestiniens sous occupation », poursuit-elle.

Pour la cinéaste issue du documentaire, « tout est politique dans la vie, surtout quand on parle de la Palestine ». Elle n’a pas voulu pour autant faire un film politique.

Elle a préféré s’inspirer d’une histoire vraie, celle d’une femme de Naplouse qui a accouché dans une prison israélienne aux débuts des années 80, peu de temps avant les massacres dans les camps de Sabra et Chatila, au Liban.

« C’était important de montrer comment l’arrivée de cet enfant change l’expérience de la prison pour ces femmes. J’ai voulu recréer cette histoire en essayant d’avoir des moments tendres, poétiques, mais aussi de solidarité car, à l’époque, on mettait ensemble prisonniers politiques et de droit commun », explique Mai Masri.

Le film s’attarde sur cette communauté de femmes de tous âges et aux parcours fort différents. Ainsi, Layal, le personnage principal, interprétée par l’actrice Maisa Abd Elhadi, est une institutrice qui écope de huit ans de prison pour avoir pris en stop un jeune homme soupçonné d’avoir participé à un attentat.

Pour représenter au plus juste l’univers carcéral, la réalisatrice a tourné dans une ancienne prison militaire en Jordanie et a porté un soin particulier aux lumières et aux sons pour traduire au mieux l’enfermement.


La cinéaste palestinienne Mai Masri reçoit le Tanit de Bronze pour son film « 3.000 nuits », lors des Journées cinématographiques de Carthage à Tunis, le 5 novembre 2016 © FETHI BELAID AFP/Archives
Elle s’est également documentée auprès d’anciens détenus et grâce à des films sur la prison comme « Hunger » de Steve McQueen, sur les prisonniers de l’IRA ou « Un prophète » du Français Jacques Audiard. En dépit de ces diverses sources d’inspiration, « ça reste au final un film inspiré de la réalité palestinienne ».

Présenté au printemps dans le cadre du festival Ciné-Palestine organisé à Paris et dans sa banlieue, le film a bénéficié d’un coup de pouce inattendu: la mairie de droite d’Argenteuil (Val-d’Oise) a refusé de le diffuser et a également déprogrammé un autre film sur le mariage homosexuel.

Un acte de « censure », qui a « créé une réaction contraire et très positive », se souvient, amusée, la cinéaste. Son film a fini par être projeté devant une salle comble à Argenteuil et a bénéficié du soutien de personnalités, dont le cinéaste Ken Loach.

« S’il vous plaît, voyez ce film, voyez-le maintenant », avait lancé le Britannique, tout juste auréolé de sa deuxième Palme d’or à Cannes. « C’est un film fort et important qui raconte une histoire que nous devrions tous entendre. »

Publié le 30 décembre 2017 sur Le Point-Culture