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Sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, le mouvement soudé et déterminé face aux menaces du pouvoir

15 Novembre 2016

Le choc a été surmonté. Toutes les composantes du mouvement d’opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se sont réunies lundi 14 novembre pour marquer leur détermination et préparer la résistance, si besoin.
Zad de Notre-Dame-des-Landes, reportage
Des phares dans la nuit de la Zad sous la lune rousse comme un ballon. Des lampes frontales pour les piétons mènent à la Vache-rit, le QG du mouvement. Le hangar est plein à craquer sous les néons. Ils sont trois cents sous des bonnets et des capuches pour parer à l’hiver qui pointe et à la nuit tombée d’un coup. On a ouvert un champ à côté pour garer les voitures venues de partout aux alentours.
« Moi, ce matin, je me suis dit qu’on allait décrocher la lune. Mais finalement non. En plus, elle est drôlement belle ce soir, la lune, la vraie », dit un militant de l’Acipa [1] en souriant. L’espoir levé lundi 7 novembre par les conclusions de la rapporteure publique de la cour administrative d’appel de Nantes aura touché, un peu ou beaucoup, tout le monde, même ceux pour qui les recours juridiques ne sont pas la priorité : « On aurait bien aimé pouvoir compter dessus, éviter des affrontements qui pourraient s’annoncer méchants, avec des blessés, des arrestations, voire un mort… En 2012, avec l’opération César, on n’était pas passé loin. Et depuis, il y a eu Rémi Fraisse à Sivens, et la loi travail réprimée avec bien plus de brutalité que les précédents mouvements sociaux », dit un zadiste sans spécialement accuser le coup. « Si les arrêtés préfectoraux avaient été annulés et le projet abandonné, on aurait eu enfin l’occasion de dialoguer intelligemment », confie Vincent Delabouglise, le porte-parole des paysans du collectif Copain.
Avant d’entonner des refrains de chansons, l’assemblée ponctue les courtes interventions de cris d’appels à la « Résistance ! Résistance ! » scandés à tue-tête et d’applaudissements. Un peu comme au soir de la consultation du 26 juin, qui n’aura finalement laissé personne dépité, amer ou défait. Bien sûr, certains voulaient bien croire à une issue favorable du scrutin qui aurait pu mener à l’abandon du projet.

La défense est prête



Mais comme ce soir après le revirement de la cour administrative d’appel, le retour à la défense de la Zad reprend vite le dessus. On se résigne à un enthousiasme nécessaire, préparé, réaffirmé. « OK, on a compris, ce coup-ci, c’est la guerre… » grince un paysan sans trop rigoler. « En cas de démarrage de chantier ou de tentative d’expulsion, notre dispositif de défense est prêt. On le renforce avec la même détermination à protéger les paysans et les habitants de la Zad. Ça peut venir dans les jours qui viennent… On se tient prêts, et on ne lâchera rien », dit Vincent Delabouglise. Un zadiste rappelle les obstacles juridiques à une évacuation policière : « Une quinzaine de lieux ne sont pas expulsables, bénéficiant de la trêve hivernale, sans compter de nombreux autres qui n’ont pas reçu une procédure nominative. » Mais autour, on se dit que les préfets, malgré les multiples invocations de l’état de droit, pourrait bien passer outre en bafouant ces pare-feu judiciaires.
Ce lundi soir aussi, le ton est à la détermination et à la cohésion, comme si on les avait mises entre parenthèses le temps d’une semaine, un temps de trêve, de menace suspendue.
« Bon, ben on se retrouve comme il y a une semaine… Après tout, c’est comme un retour à la normale », disent des zadistes souriants. « Jamais la justice n’a été du côté de la lutte. On le sait. Même si on a été étonnés que l’avis de la rapporteure publique, apparemment suivi à la lettre dans 98 % des cas, soit complètement contrecarré par la décision des juges », dit une zadiste sous son bonnet de laine. « Qu’est-ce que ça change, cette décision ? Plutôt rien… Sur le terrain, on sait que notre combat est légitime. Le plan d’action dès le déclenchement d’une expulsion est en place depuis longtemps, blocage des grands axes, perturbation des ravitaillements de la police, actions contre le chantier, et dans les lieux de pouvoir partout en France, par l’action des deux-cents comités contre l’aéroport. »
Paysan du cru, Sylvain Fresneau ne dit pas autre chose : « On ne laissera pas un centimètre carré de la Zad se faire massacrer. Oui, on se prépare à attendre une intervention dans les prochains jours. J’ai pris la température sur la Zad vers midi, puis après la décision de la cour d’appel ; la détermination n’a pas varié. On va venir nous attaquer sur notre terrain. On sera là pour le défendre pied à pied. »
« On se prépare depuis des années, ajoute un barbu. Au moindre démarrage des travaux, toute la diversité du mouvement sera mobilisée. » Aucune divergence de vue entre les divers courants qui rappellent tous que la diversité de moyens de résistance est connue et acceptée comme une force multiple et un bien commun depuis des mois et des mois. « Il y a quatre ans, une conférence de presse commune aurait été plus compliquée à monter. Aujourd’hui, c’est une évidence. »


L’assemblée qui remplit le hangar rassemble toutes les composantes du mouvement, pas seulement celles qui ont porté ces recours juridiques. La cohésion est patente. Zadistes, paysans, riverains, militants d’associations citoyennes, figures historiques, ils et elles sont tous et toutes là.
« On n’a pas vu trop l’hélico ces derniers jours. Juste une fois au-dessus de la ferme occupée de Saint-Jean du Tertre. Faut s’attendre à le revoir sillonner la zone. »
On a beau dire régulièrement que l’on vit un tournant du mouvement, ce dernier virage proposé par un abandon du projet pour raison de droit administratif et de lois sur l’environnement a été manqué. L’opportunité de voir le projet enterré avec une « sortie par le haut », comme le disent certains, n’a pas été saisie. Les juges administratifs en ont voulu autrement.