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Quel espoir de paix et de stabilité pour le Soudan du Sud ?

21 Octobre 2016

Environ mille personnes déplacées internes (PDI) ont déménagé dans de nouveaux logements, plus propres et moins humides au Soudan du Sud. Photographie de l’utilisateur de Flickr UNMISS. CC BY-NC-ND 2.0
La situation politique au Soudan du Sud devient de plus en plus instable.

En juillet dernier, des affrontements entre les forces du gouvernement et les soldats loyaux à l’ancien vice-président Riek Machar se sont conclus par la mort de centaines de personnes et le déplacement de milliers vers la capitale Juba. Le  conflit est imputé à l’échec d’un coup d’état orchestré par Riek Machar pour renverser le président Salva Kiir et, à la faveur de la violence et du chaos, les tensions politiques qui couvaient dans les coulisses du pouvoir ont fait surface.

Riek Machar a quitté la capitale et refusé de retourner à Juba tant qu’une puissance militaire tierce n’y serait pas stationnée pour calmer les tensions entre factions rivales. Alors que les Nations Unies et l’Autorité gouvernementale pour le développement (IGAD) discutaient du déploiement d’une telle force, le président Kiir passa à l’action. Il posa un ultimatum à Machar, déclarant que s’il ne revenait pas dans la capitale sous 48 heures, il y aurait des conséquences. Machar ne respecta pas le délai et, fidèle à sa promesse, le président Kiir remplaça Machar par son ancien ministre des Mines Taban Deng Gai.

Ces événements font écho à ceux qui firent naître la guerre civile en 2013. Cette année-là, la nation la plus jeune au monde fut plongée dans une guerre civile lorsque le président Kiir mit fin aux fonctions du premier vice-président Riek Machar le 15 décembre, après l’avoir accusé de préparer un coup d’État. Le conflit avait été entaché exacerbé par des rivalités ethniques, des  tribus respectives des deux hommes. Le président Salva Kiir est un Dinka alors que Riek Machar est de la communauté Nuer. (Les Dinka sont la plus grande ethnie du Soudan du Sud et les Nuer viennent en second.)

En février 2016, Kiir nomma à nouveau Machar en tant que premier vice-président. Cependant, le 7 juillet, des affrontements éclatèrent dans la capitale où les forces loyales à Kiir ont combattu des troupes liées à Machar. Ces combats constituaient les premières violences depuis la signature de l’accord de paix de l’an dernier.

South Sudan’s former Vice President Riek Machar. Public Domain photo by Voice of America. 
L’ancien vice-président du Soudan du Sud Riek Machar. Photo du domaine public par Voice of America.
Machar, craignant pour sa vie, s’enfuit à Juba et chercha refuge en République Démocratique du Congo, puis au Soudan où il reçut « des soins médicaux urgents » à Khartoum. Des observateurs supposent que Machar cherche à rassembler des alliés qui puissent soutenir son retour dans la capitale et sa réinstallation en tant que vice-président.

Mais la détérioration de la situation  fait augmenter les doutes sur la probabilité que Machar retrouve son poste. En dépit de fortes réticences, le gouvernement a autorisé le déploiement de 4 000 Casques Bleus dans la capitale sous certaines conditions. Le ministre de l’Information, Michael Makuei Lueth, a ajouté dans un communiqué de presse que « 4 000 est le plafond, mais ce n’est pas une obligation. Nous pouvons même nous mettre d’accord sur 10. »

Il a déclaré aussi que son gouvernement avait donné « son consentement » mais n’avait pas « accepté » le déploiement des forces. La difficulté de cet accord reflète la résistance permanente du Soudan du Sud envers les interventions étrangères.

De plus, le président Kiir proclame que le retour de Machar en politique n’apporterait pas la paix et qu’il devrait éviter de s’engager politiquement. Ce sentiment a été exprimé aussi par les Etats-Unis, la superpuissance qui a aidé le Soudan du Sud à devenir indépendant du Soudan en 2011 et qui a été fortement impliqué dans la tentative de rétablissement de la paix depuis les affrontements du mois de juillet. Tout comme le président Kiir, l’envoyé spécial américain au Soudan du Sud, Donald Booth, indique que Machar ne devrait pas chercher à reprendre son poste antérieur. Il a déclaré : « Etant donné tout ce qui s’est produit dernièrement, nous pensons qu’il ne serait pas sage pour Machar de revenir à son poste antérieur à Juba.»

En réaction, de nombreux internautes ont souligné que les Etats-Unis avaient été naïfs dans leur évaluation de l’influence négative de Machar dans la mise en place de l’accord de paix :

Un commentaire de jubaone, en réponse à un article de Sudan Tribune, dit :

“Les remarques de Booth sont des coups de poignards dans le dos de l’IGAD. Des coups irresponsables, déplorables et malveillants envers une institution régionale qui a travaillé sans répit pour la paix. Riak dirige des partisans et il n’y a pas solution rapide sans lui. Les propos de Booth sont incendiaires et ne peuvent qu’enflammer le conflit davantage.”

Un autre commentaire d’une personne se faisant appeler Mr Point, et qui partage cet avis :

“L’Ambassadrice [des Etats-Unis au Nations unies], Samatha Power, suit le Représentant Chris Smith et l’Ambassadeur Donald Booth dans la longue lignée de diplomates américains a avoir été induit en erreur par les mensonges de Kiir, prétendant qu’il n’a nulle intention d’éliminer quelque rival politique que ce soit.

Donald Booth, médiocre, naïf et ignorant, a mis en garde Kiir contre un pouvoir monopolistique. Kiir poursuivra son pouvoir monopolistique sans s’occuper des avertissements des Américains faibles et naïfs.”

Akook a relevé les conséquences de l’absence continue de Machar à Juba :

“Il est clair pour tout le monde que le parti de Kiir s’en est pris a Machar et l’a attaqué et délogé de Juba simplement parce qu’ils voulaient le remplacer, ce qui va à l’encontre de l’accord de paix. Juba peut acheter quelques officiels américains pour changer de cap soudainement, mais la situation reste la même. Il n’y a rien qu’ils puissent faire. Si Machar reste à l’écart, il y a de nombreux généraux avides de battre Juba.”

Alors, qu’est-ce que cela signifie pour Machar ?

Même s’ il a des partisans dans l’ Armée populaire de libération du Soudan en opposition (APLS-EO), le principal groupe d’opposition armé, qui veulent le retour de Machar, certains s’opposent à sa réinstallation, faisant valoir l’inefficacité de son commandement, la violation des droits humains par ses troupes durant la guerre civile de 2011 et les combats récents qui ont eu lieu à Juba.

Gatkuoth Gatjiek souligne sur Facebook l’incompétence de Machar à la fois en tant que dirigeant politique et commandant militaire :

“Si Kiir est un canard boiteux, la même chose peut-être dite – quoique à un degré moindre – de Riek Machar. Le premier vice-président semble ne jamais contrôler ses troupes et n’a jamais eu autant de militaires sérieux que ses homologues dans le prétendu APLS – en – opposition (EO). De plus, il a fait la grave erreur d’exclure les généraux les plus expérimentés de EO au cours de l’année dernière.”

Mais pour certaines personnes, le président Kiir n’est pas mieux.

L’ancien vice-gouverneur de l’État du Haut Nil au Soudan du Sud, John Ivo Mounto, transfuge du gouvernement au APLS-EO déclare que la corruption et l’incompétence du gouvernement a conduit le pays à la ruine.

D’autres au sein du APLS-EO ont demandé au président Kiir sa démission, lançant un défi direct à l’autorité du gouvernement.

Tavia Network, un réseau d’information en ligne, a demandé la démission à la fois de Machar et du président Kiir, les déclarant tous deux responsables de l’instabilité du Soudan du Sud

“Il est temps pour à la fois le président Salva Kiir et l’ancien vice-président Riek Machar qui ont ruiné leur pays, de démissionner”

Toutefois, on peut douter que la résistance envers chacun des deux hommes soit suffisamment forte pour provoquer l’élan qui fera vaciller le centre du pouvoir au Soudan du Sud.

En attendant, alors que les politiciens se battent pour le pouvoir, la situation a de réelles conséquences pour le peuple du Soudan du Sud. Le conflit a déplacé plus d’un million de personnes en interne, et 751 000 personnes se sont enfuies dans les pays avoisinants. La faim et les maladies liées au conflit font souffrir beaucoup de monde. Il a aussi été signalé que le recrutement d’enfants soldats augmente. Cette année, plus de 650 enfants ont été recrutés par des groupes armés.

Le Soudan du Sud a désespérément besoin de la paix mais elle semble rester hors de portée.