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OGM : nouvelles menaces encore plus redoutables

6 Octobre 2016

On pourrait considérer comme une bonne nouvelle le fait que, en 2015, les surfaces cultivées en OGM ont légèrement diminué dans le monde. C’est la première fois depuis 1996, date des premiers semis, que les surfaces sont estimées à la baisse par l’ISAAA , un organisme issu des grands semenciers et qui promeut les biotechnologies végétales dans les pays du Sud. L’ISAAA en profite pour encenser les “nouveaux OGM”.

Nouveaux OGM ? Késaco ? Il s’agit d’une méthode nouvelle utilisant un système de défense immunitaire bactérien – CRISPR-Cas9 – et qui débouche sur un outil précis, simple et universel pour modifier les gènes de n’importe quelle cellule à volonté. C’est une véritable rupture et constitue une découverte majeure, de par son efficacité sur tous les types d’organismes vivants, sa facilité d’usage, sa rapidité de mise en œuvre et son coût modéré. Les opérations de sélection variétales qui prenaient jusqu’à présent des décennies pourront bientôt être réalisées en quelques mois seulement. Autrement dit c’est l’OGM à la portée de tous.

Cette technique, CRISPR/Cas9 apporte effectivement une universalité nouvelle (à peu près tout type cellulaire peut être modifié), une grande simplicité d’usage, qui la met à la portée, sinon de n’importe qui, du moins de nombreuses personnes disposant d’une formation minime (surtout pour modifier des micro-organismes !) et à très faible coût (moins de 100 euros pour les réactifs essentiels). Voilà donc une technique d’une puissance redoutable, classée par l’Intelligence Service américaine comme arme de destruction massive potentielle, à la portée de tous ceux qui auraient vraiment envie de s’en servir et pour laquelle on renoncerait à toute possibilité d’encadrement, de surveillance et de limitation d’usage ! Sans réglementation, ce qu’il est convenu d’appeler « la biologie de garage » pourrait, sans contrôle possible, aboutir à la production de n’importe quoi par des gens éventuellement peu avertis, voire pathologiques et, encore pire, délibérément malveillants.

Les officines « d’intelligence » (d’espionnage) étasuniennes s’y intéressent fortement. Elles s’alarment de la possibilité pour des pays à l’éthique douteuse (il savent de quoi ils parlent !), ou des groupes terroristes, de créer par cette méthode des agents ou des produits biologiques potentiellement nuisibles. Ils s’alarment du fait que ce process technologique permet soit de créer des moustiques tueurs permettant d’éradiquer la dengue voire le paludisme, soit des fléaux anéantissant les récoltes de base (blé, riz, maïs, pommes de terre, etc.), soit encore un virus s’attaquant à telle ou telle catégorie de population. C’est la porte ouverte à… l’éradication ethnique. Glaçant ! Sans oublier qu’un accident, un produit modifié qui échappe à ses créateurs peut créer des ravages irréversibles…

l’ISAAA se fait le chantre de ces nouveaux OGM et affirme sans aucune référence que « lorsqu’elle [Crispr/Cas9] est combinée avec d’autres progrès en matière de sélection variétale, Crispr permettrait d’augmenter la productivité des cultures selon une « intensification durable » sur le 1,5 milliard d’hectares de terres arables, et apporter une contribution essentielle à la sécurité alimentaire mondiale ». Les OGM transgéniques ne progressent plus, mais les entreprises semencières ont déjà en tête de continuer à vendre des semences « OGM » brevetées – en espérant ne plus avoir à passer par les fourches caudines de l’évaluation et de l’étiquetage (dans les pays qui l’imposent). L’ISAAA, d’ailleurs, annonce dans son rapport que la première plante issue de ces nouvelles techniques de biotechnologies, le colza SU, a été cultivée pour la première fois en Amérique du Nord.

Alors, avec TAFSA, on les aura dans nos assiettes ? Certaines organisations s’inquiètent de ces « nouveaux OGM ». voir ici la lettre ouverte envoyée à la Commission européenne à ce sujet :

En France, l’INSERM (institut national de la santé et de la recherche médicale) a travaillé sur un éclairage éthique de ces nouveaux OGM.

Le comité d’éthique de l’Inserm peut être « saisi » ou s’autosaisir pour réfléchir sur les questions éthiques soulevées par la recherche scientifique médicale et la recherche en santé telle qu’elle est mise en œuvre au sein de l’Institut. Au terme de sa réflexion, il rend un avis sous forme de notes qui peuvent évoluer en relation avec de nouvelles contributions. En 2015, le PDG de l’Inserm a saisi le comité d’éthique afin qu’il examine spécifiquement les questions liées au développement de la technologie CRISPR et notamment :

1- Quelles sont les questions soulevées par la technologie en tant que telle ?

2- La rapidité de son développement soulève-t-elle des problèmes particuliers ?

3- Sa simplicité d’utilisation appelle-t-elle un encadrement de sa mise en œuvre en laboratoire ?

Compte tenu des avantages techniques de la méthode et de sa très rapide diffusion, la question est aujourd’hui d’évaluer où, quand et comment son usage pourrait poser un problème éthique. Il est apparu d’emblée important de distinguer trois domaines aux enjeux différents :

1/ l’application de la technologie à l’homme qui soulève essentiellement la question des modifications de la lignée germinale ;

2/ l’application à l’animal, en particulier aux espèces « nuisibles », qui soulève la question d’un éventuel transfert latéral de gènes et l’émergence de dommages irréversibles à la biodiversité ;

3/ des risques d’atteinte à l’environnement.

Le comité propose dans l’immédiat que l’Inserm adopte les principes suivants :

1- Encourager une recherche dont l’objectif est d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la technologie CRISPR et des autres technologies d’édition du génome récemment publiées, dans des modèles expérimentaux pouvant permettre au cas par cas de déterminer la balance bénéfice/risque d’une application thérapeutique y compris éventuellement sur des cellules germinales et l’embryon. Cette information est essentielle pour pouvoir définir, dans le futur, ce qui pourrait être autorisé chez l’homme en termes d’approches thérapeutiques.

2- Les effets potentiellement indésirables du guidage de gènes doivent être évalués avant toute utilisation hors d’un laboratoire respectant des règles de confinement déjà en vigueur pour d’autres modifications génétiques. Les évaluations doivent se faire sur des périodes longues compte-tenu du caractère transmissible du gène guide. Des mesures de réversibilité devraient être prévues en cas d’échappement ou d’effet indésirable. De telles analyses et l’élaboration de scénarios multiples nécessitent la constitution d’équipes pluridisciplinaires.

3- Respecter l’interdiction de toute modification du génome nucléaire germinal à visée reproductive dans l’espèce humaine, et n’appuyer aucune demande de modification des conditions légales avant que les incertitudes concernant les risques ne soient clairement évaluées, et avant qu’une concertation élargie incluant les multiples partenaires de la société civile n’ait statué sur ce scénario.

4- Participer à toute initiative nationale ou internationale qui traiterait les questions de liberté de la recherche et d’éthique médicale y compris avec les pays émergents qui seront également impactés par le développement des technologies d’édition du génome.

5- Enfin attirer l’attention sur la question plus philosophique qui met en tension la plasticité du vivant avec l’idée d’une nature humaine fondée sur le seul invariant biologique. Il convient de susciter une conscience qui fasse la part de l’utopie et des dystopies que peuvent engendrer certaines promesses thérapeutiques.

Il n’est pas question de crier avant d’avoir mal et de rejeter en bloc cette technique nouvelle, mais il convient de rester vigilant. Et pour cela d’être informé. Voilà donc quelques quelques pistes pour se faire une idée sur ce qui peut être, comme toujours en matière de « progrès » technologique, le meilleur ou le pire.