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« Nous vivons une véritable révolution de l’esprit » entrevue avec Ariane Vitalis

3 Septembre 2016


Une révolution est en marche et ses acteurs sont de plus en plus nombreux. Face à la « perte de sens » provoquée par une société de consommation qui trébuche, certains citoyens dépassent la simple critique et proposent des alternatives. C’est l’éclosion de ces Créatifs culturels et leurs utopies concrètes qu’Ariane Vitalis nous propose de découvrir dans son premier livre. À l’occasion d’une interview qu’elle nous a accordé, elle revient sur son parcours, son livre et ses prochains projets.


Mr. Mondialisation : En mai dernier paraissait Les Créatifs Culturels : l’émergence d’une nouvelle conscience. Qu’est-ce qui t’a poussé à te pencher sur le sujet, tes études à peine terminées ?

Ariane Vitalis : J’ai découvert le terme « Créatifs Culturels » une première fois fin 2012 avec le TED talk de Mathieu Baudin, Les Conspirateurs Positifs. Cela me parlait très fortement, et progressivement j’ai commencé à découvrir tout un univers. L’entrepreneuriat social, les alternatives citoyennes, les enjeux écologiques, la spiritualité… Tout cela faisait écho à une volonté de changer le monde que je nourrissais depuis le début de l’adolescence, mais aussi à une quête de vérité intérieure.

Adolescente, j’écrivais des pensées et des introspections sur un blog. Cela me permettait de me construire mais je me sentais très isolée et un peu en décalage avec les autres. En 2012, j’ai créé une association qui s’appelait La Vague, dont l’objectif était de promouvoir l’Art, la Pensée, l’acte poétique. Cela a changé mon rapport au monde, et je me suis complètement plongée dans le monde des alternatives et du réenchantement de la société. J’ai créé un festival en 2014 qui s’appelait La Conspiration Positive, j’ai fait Ticket for Change, puis un stage chez TEDxParis, ainsi qu’énormément de rencontres avec des Créatifs Culturels.

Le livre en question est en fait mon mémoire de Master 2, en Sociologie des publics de la culture, à l’Université d’Avignon. Le terme « Créatifs Culturels » date de la fin des années 90 et vient de deux sociologues américains, Paul Ray et Sherry Anderson. Dans le livre L’émergence des Créatifs Culturels, qui est une immense enquête de terrain de plus de 15 ans, ils expliquent que nous vivons un changement de paradigme depuis quelques décennies et dressent un portrait passionnant et très riche des Créatifs Culturels, c’est-à-dire des acteurs de ce changement de paradigme, de cette nouvelle vision collective du monde.

Dans mon livre, je retrace le contexte historique avec les mouvements hippies, le romantisme et le transcendantalisme au XIXe siècle, je parle de physique quantique, de spiritualité, de l’histoire du développement durable, du rôle d’Internet, du sentiment de solitude, des mouvements sociaux comme Occupy Wall Street, etc. J’essaie de présenter une vision globale de ce nouveau paradigme, accompagnée d’exemples concrets. Avec des références comme Pierre Rabhi, Jeremy Rifkin, Edgar Morin, Marc Luyckx Ghisi, Nietzsche, Thoreau, Hans Jonas, Vincent Callebaut… Il y a également des parties plus subjectives et personnelles où j’évoque un peu mes expériences, et des interviews de Créatifs Culturels. Je parle même de Mr. Mondialisation. Bref, c’est très varié et illustré par des images.

Mr. M. : Tu dresses un tableau assez négatif de la société contemporaine dont tu constates le déclin. Quels sont les symptômes les plus remarquables de ce dit déclin ?

A. V. : Il y a une partie dans le livre où j’explique brièvement la crise de la modernité. La vidéo YouTube « Indigné, et après ? » de Mr. Mondialisation m’a d’ailleurs beaucoup aidée à comprendre cette crise. Le problème de fond, aujourd’hui, est qu’une croissance exponentielle infinie est impossible dans un monde aux ressources limitées. Le système capitaliste actuel est en train de piller toutes les ressources naturelles à très grande vitesse et affame les populations des pays du Sud. Il y a une vraie urgence au niveau écologique et climatique, d’une part, mais aussi au niveau humain. Ce n’est plus un secret pour personne : 20 % de la population mondiale consomme 80 % des richesses disponibles sur la planète. Aujourd’hui il y a une vraie prise de conscience de cette réalité, et une volonté d’inverser la tendance.


Au niveau individuel, il y a aussi une vraie crise du sens en Occident, notamment en ce qui concerne le travail, mais aussi la vie de manière générale. Quel sens donner à sa vie ? Pourquoi je me lève tous les matins ? À échelle planétaire et locale, le souci est toujours le même : il y a une petite minorité d’individus qui exerce une domination sur une majorité d’individus. C’est comme ça depuis la nuit des temps, mais nous vivons aujourd’hui une véritable révolution de l’esprit, qui doit beaucoup à l’émergence d’Internet et des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Mr M. : Pourtant cela ne t’empêche pas d’être positive…

A. V. : Il y a une vraie prise de conscience depuis quelques décennies : c’est un changement collectif d’état d’esprit qui est en train de naître partout dans le monde. C’est ce que je raconte dans le livre. L’humanité est en train de se libérer de toutes les formes d’oppression, de domination, d’aliénation ; avec une vision moins fragmentée du monde, plus holistique et globale. Nous avons compris que nous pouvons être autonomes et indépendants des structures qui peuvent être oppressantes – entreprise, famille, école, médias, État, etc. – au niveau collectif et individuel. Il y a un élan de vie vers une société écologique, solidaire, créative, où chaque individu a le droit de bien vivre et se réalise pleinement en coopération bienveillante et empathique avec les autres. C’est une vraie révolution de l’esprit, et c’est assez unique dans l’histoire de l’humanité !


… et, pour soutenir cette évolution, tu es sur le point d’entamer un nouveau projet ?

A. V. : Oui ! Je développe actuellement un projet d’entrepreneuriat social nommé Un Monde Réenchanté. L’idée est de faire un tour du monde pour identifier les besoins humains et financiers de projets alternatifs, solidaires, écologiques, culturels, etc. partout dans le monde, afin de leur apporter des financements grâce à une mise en relation avec des mécènes, mais aussi un apport humain grâce à des volontaires qui viennent s’engager sur le terrain à l’étranger. Nous recherchons d’ailleurs actuellement des personnes qui seraient intéressées pour collaborer avec nous.

En parallèle, j’ai été qualifiée sur LaPrimaire.org, une initiative citoyenne qui a pour but de faire émerger un candidat citoyen aux élections présidentielles. J’y développe tout ce que je viens de te raconter sur les Créatifs Culturels.

Mr. M : Merci infiniment, Ariane, et bonne chance dans tes projets porteurs de sens !