General

Les religions de « paix et d’amour »

17 Septembre 2016



On parle beaucoup de l’Islam radical actuellement mais on aurait peut-être tendance à occulter que les autres religions ont connu ou connaissent encore des conflits liées à leur volonté de régenter la vie publique et présenter leurs textes sacrés dans leurs interprétations diverses et variées comme incontournables et non discutables.

Chaque religion comporte en son sein des extrémistes et la vraie question à poser est la suivante : à partir de quand et pourquoi bascule-t-on dans le radicalisme ?

Lavage de cerveau ? Provocation ? Agression ? Manque de considération ? Territoire ? Mépris des autorités ? Interdiction de pratiquer ? Envie de se « racheter » ? Volonté hégémonique ?…

Toutes ces raisons et bien d’autres encore sont à considérer, mais une chose est certaine, les religions qui ne seraient que « paix et amour », selon la formule consacrée, nous réservent tout de même des surprises.

Petit panorama

Sans remonter aux croisades ou à la Saint Barthélémy, rappelons qu’il y a peu catholiques et protestants se faisaient la guerre en Irlande, que les Yézidis se font massacrer par Daesh en Syrie et que les Rohingyas (minorité musulmane) sont persécutés par des bouddhistes radicaux en Birmanie. Les juifs ultra-orthodoxes pratiquent quant à eux une politique active de peuplement à Jérusalem bloquant ainsi toute solution sur le statut de cette ville. Enfin, il est de notoriété publique que les chiites et les sunnites ne s’entendent guère, ce qui nous vaut actuellement un conflit sanglant au Yémen entre les Houthis et une coalition formée par l’Arabie Saoudite et qu’entre les chrétiens Coptes et certains Musulmans le climat n’est pas au beau fixe en Egypte.

Religions et pouvoirs politiques

Au cours d’un récent colloque du collège des Bernardins, les grandes traditions religieuses ont réaffirmé l’importance du dialogue interreligieux. Les représentants des religions y sont allés de leur petit couplet lénifiant, sans bien évidemment remettre en cause les errements de leurs propres chapelles, ni l’instrumentalisation dont elles font l’objet de la part de différents pouvoirs théocratiques ou simplement des manipulations politiques visant à faire voter des croyants pour des autocrates ou les « bons partis ». De la Pologne sous influence catholiques, en passant par la Russie où la hiérarchie Orthodoxe est choyée par le pouvoir ou les Etats Unis où le Président prête serment sur la Bible, sans oublier la Turquie avec son Président si coulant avec Daesh, les interactions politiques/religions sont nombreuses et pas toujours synonymes de progrès.

Le problème des religions, c’est qu’elles vivent dans leur temps, mais souvent avec quelques siècles de retard sur la société. Il ne s’agit pas de dire ici qu’elles ne peuvent pas avoir droit au chapitre, qu’elles ne puissent pas donner d’avis ou d’éclairage sur des problèmes de société mais dans les faits, la tendance à l’ingérence ou à la confusion des rôles pollue le débat entre pouvoirs publics et religions et est souvent synonyme de régression. C’est le cas de manière quasi systématique pour les femmes qui sont souvent considérées comme des citoyennes de seconde zone dans beaucoup de religions, uniquement sur terre pour procréer, élever les enfants et assurer le repos du guerrier en restant le plus discrètes possible.

C’est aussi le cas pour toute loi visant à donner des droits nouveaux aux femmes (les égalités hommes/femmes) ou bien encore le mariage homosexuel avec lequel le cardinal Vingt Trois n’a pas hésité pas à faire un parallèle hasardeux entre terrorisme et mariage gay lors d’une homélie prononcée à la mémoire du Père Hamel, assassiné à Saint Etienne du Rouvray.

C’est aussi le cardinal Barbarin qui a semblé ignorer pendant longtemps que le crime de pédophilie devait être poursuivi par la justice des hommes et non pas absoute par la loi de Dieu.

Enfin, on retiendra la prescription du Conseil Français du Culte Musulman concernant le voile et les propos pour le moins machistes, de certains prêcheurs.

En France, fort heureusement, il y a la laïcité

Mais quelle laïcité ? Ces dernières années, le concept même de laïcité a été observé, scruté, analysé, détricoté par les dévots politiques et les idiots utiles et on rappellera les propos d’un Imam de Nice, expliquant que c’est la faute de la laïcité des Français s’il y a des attentats

On nous dit que cette laïcité n’est pas un bloc, mais qu’elle peut être positive, inclusive, exclusive, idéologue, hargneuse,… chacun bien sûr dissertant sur cet os à ronger qui n’a d’autre but que d’affaiblir la laïcité, voire la supprimer.

Abandonner la loi de 1905 séparant les églises de l’Etat et consacrant la liberté religieuse en promouvant une laïcité affaiblie, vidée de son sens serait ouvrir la porte à toutes les demandes de toutes les religions actuelles ou à venir concernant l’exercice des cultes ou bien les prescriptions alimentaires ou vestimentaires voire celles concernant l’éducation. En d’autres termes ce serait consacrer le communautarisme.

Les religions font bloc, les politiques se prosternent

C’est ce qui ressort du colloque du collège des Bernardins, mais il ne faut pas se tromper : bien à l’abri derrière les propos consensuels et les déclarations empathiques, les religions évitent de faire le ménage dans leurs propres chapelles et se posent en interlocuteurs quasi exclusifs des pouvoirs publics, sans doute pas de manière désintéressée. La paix religieuse, l’entente entre les religions risque donc de se faire sur le dos des citoyens, croyants ou non, mais profondément laïcs qui seront trompés (une fois de plus) par les politiques avides de s’accorder les suffrages de ces fameuses « communautés ».

Ainsi que l’indique Michel Wieviorka (Ouest France du 16/08) : « Les églises viennent au secours de la République. Comme si le secours, dans le mesure où il doit venir de la société civile, ne pourrait provenir que des croyants et de leurs représentants…La société civile est-elle à ce point anesthésiée, anéantie ou affaiblie, qu’elle laisse à ces acteurs, aussi respectables qu’ils soient, un quasi-monopole de la parole publique ».