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La Chine et les Etats-Unis mettent l’accord de Paris sur les rails

3 Septembre 2016


La Chine et les Etats-Unis ont annnoncé samedi 3 septembre qu’ils ratifiaient l’Accord de Paris sur le climat. L’annonce des deux plus grands pollueurs de la planète est encourageante. Mais l’Union européenne est à la traîne.
La Chine a ratifié l’accord mondial sur le climat conclu le 12 décembre à Paris à l’issue de la COP21, a annoncé, samedi 3 septembre, l’agence étatique Chine nouvelle. Ce traité historique vise à contenir le réchauffement climatique sous le seuil critique de 2 voire 1,5°C. Le géant asiatique, qui tire encore plus de 70 % de son électricité du charbon, produit environ 28 % des émissions mondiales de CO2.
Dans un discours devant des hommes d’affaires, le président Xi Jinping a expliqué : “Les montagnes vertes et l’eau claire sont aussi bonnes que les montagnes d’or et d’argent. Protéger l’environnement, c’est protéger la productivité, et améliorer l’environnement, c’est stimuler la productivité. Nous poursuivrons sans faiblir un développement durable, et restons engagés vers une économie verte, à bas carbone, et circulaire.”
Quelques heures plus tard, ce samedi, Washington a emboîter le pas à Pékin, peu après que le président américain Barack Obama a rejoint Hangzhou, dans l’est de la Chine. C’est là que doit se tenir, dimanche 4 et lundi 5, le sommet du G20.


Une annonce surprenante ? Pas à en croire Teresa Ribera, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) : « Depuis l’annonce commune de leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) en 2014, ces deux puissances aiment s’afficher ensemble. » « Barack Obama est en train d’essayer de faire ratifier l’Accord de Paris par décret, sans passer par le Congrès en majorité hostile au texte, complète Pierre Radanne, président de l’association 4D et spécialiste des négociations climatiques. Les Etats-Unis devaient absolument ratifier le texte avant l’élection présidentielle du 8 novembre. Même si la menace Donald Trump [candidat républicain à l’élection présidentielle violemment opposé à l’accord, NDLR] semble s’éloigner, un changement de président risquerait de compromettre le processus. » Quant à la Chine, « elle souffre déjà de la pollution et du changement climatique et souhaite surfer sur l’Accord de Paris pour devenir leader industriel mondial dans l’éolien et le photovoltaïque. Elle veut bien bouger, mais si les autres bougent aussi ».
La nouvelle est en tout cas encourageante, de la part de deux des plus gros pollueurs de la planète – la Chine sont responsables de 28 % des émissions mondiales de gaz carbonique (CO2), les Etats-Unis de 15,5 %. Serait-elle aussi le signe d’un tournant dans le processus jusqu’ici laborieux de ratification de l’Accord de Paris ? En effet, le texte ne rentrera en vigueur que lorsque 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de GES l’auront ratifié. Mais jusqu’à ce jour, seuls 23 pays étaient allés au bout de la démarche – en majorité des petits Etats insulaires, menacés de submersion par la montée des eaux océaniques. Qui représentent moins de 1,5 % des émissions mondiales de GES…
Parmi les plus gros pollueurs, l’Inde (6 % des émissions mondiales de CO2) et la Russie (6 %), n’ont toujours pas ratifié l’accord. L’Union européenne (10 % des émissions) non plus : sur les vingt-huit Etats-membres, seuls les parlements français et hongrois ont approuvé le texte. Les pays consommateurs de charbon, la Pologne en premier lieu, traînent des pieds. Le Brexit est venu compliquer un peu plus cette équation européenne.


Le bâtiment Berlaymont, à Bruxelles, siège de la Commission européenne
Se pose également la question de la répartition de l’effort climatique entre les Etats-membres, pour parvenir à l’objectif de 40 % de réduction globale des émissions de GES d’ici 2030. « Certains pays souhaitent attendre que cette question soit réglée avant de ratifier, explique Célia Gautier, responsable des politiques européennes au Réseau action climat (Rac). La Commission européenne a déjà publié certains chiffres, mais ces derniers doivent encore faire l’objet de négociations qui vont prendre du temps. » Une crainte partagée par Pierre Radanne : « L’Union européenne s’est embourbée dans ses processus internes. Elle est en pleine révision de son système d’échange de quotas de carbone, et pour de nombreux Etats-membres il ne sera pas question de se décider avant que cette modification soit achevée – ce qui ne sera probablement pas le cas avant 2018. En tout cas, la négociation intra-européenne sera probablement plus dure que la négociation pour l’Accord de Paris elle-même, surtout qu’elle se déroule dans le giron d’une Commission européenne qui n’en a rien à faire et ne se préoccupe que de la survie de l’euro ! »
Vers un effet d’entraînement ?

Mais les observateurs se montrent globalement optimistes. « Il faut se souvenir de l’impact politique qu’a eu l’annonce conjointe des Etats-Unis et de la Chine il y a deux ans, qui a encouragé les autres grands pollueurs à présenter leurs objectifs. Sans compter la pression exercée par 130 investisseurs internationaux, qui réclament des annonces au G20 pour pouvoir, ensuite, réorienter leurs investissements vers des projets bas carbone », indique Teresa Ribera. « Le Brésil a prévu de signer à l’automne, précise Pierre Cannet, responsable climat au WWF France. Quant à l’Inde, elle a montré des signes de bonne volonté en participant au lancement de l’Alliance solaire, lors de la COP21. Mais conformément au principe d’équité inscrit dans l’Accord de Paris, elle n’a pas l’intention de signer dans les premiers. Il est important, logiquement et symboliquement, que les pays développés historiquement responsables du changement climatique fassent les premiers pas. » L’institut Climate analytics, lui, a recensé que 34 autres pays s’étaient engagés à ratifier l’accord d’ici fin 2016 parmi lesquels le Canada, l’Indonésie, le Japon et l’Iran ; au total, les Etats l’ayant ratifié ou sur le point de le faire devraient donc représenter près de 60 % des émissions.
Pour Célia Gautier, l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris pourrait intervenir dès la fin de l’année. « Le processus est d’une rapidité inédite, apprécie-t-elle. La Chine a réalisé un travail diplomatique très important pour que la question climatique soit abordée lors du G20, durant lequel d’autres annonces de ratification sont attendues. » Ceux qui ne se seraient pas décidés à l’occasion du sommet pourront encore se déclarer lors de la réunion organisée le 21 septembre à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, puis pendant la COP22, du 7 au 18 novembre à Marrakech.
Pour Pierre Radanne, il est important de parvenir à l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris le plus rapidement possible. « Si l’accord n’entre pas en vigueur à l’issue de la COP22, personne ne l’aura officiellement trahi, mais les populations risquent de penser que tout cela n’est que du flan, que la COP21 a débouché sur un texte que personne n’a l’intention de mettre en oeuvre, prévient-il. Cela serait extrêmement dangereux, à l’heure où la société civile et les acteurs économiques et financiers doivent impérativement se mettre en mouvement. »
Veiller à ce que les engagements nationaux soient respectés

Mais même si l’Accord de Paris entrait en vigueur dès la fin de l’année, la question climatique serait encore loin d’être réglée. « Cela ne garantit pas que les Etats appliqueront l’accord, souligne Célia Gautier. Nous ne sommes pas très rassurés de voir que les engagements pris aux niveaux nationaux tardent à être honorés. Certes, la Chine bouge et affirme sa position de leader international, mais des discours inquiétants émergent dans d’autres pays : aux Etats-Unis, dans la bouche du candidat républicain Donald Trump, ou encore aux Philippines où le nouveau président Rodrigo Duterte a annoncé qu’il comptait rejeter l’Accord de Paris. » Ceci, alors que certains indicateurs économiques passent enfin au vert : baisse de la consommation de charbon et Chine et déclin du marché du charbon, investissements records dans les énergies renouvelables au niveau mondial, etc.
C’est pourquoi le Rac se montrera très attentif aux mesures concrètes sur le climat qui pourraient être discutées lors du G20. « Le propre de ce sommet est de réguler le secteur financier, rappelle Célia Gautier. L’idée est donc de traduire l’Accord de Paris en termes financiers, par exemple en définissant un calendrier de sortie des subventions aux énergies fossiles et en s’engageant à mettre en oeuvre une tarification du carbone. Il est également important que le secteur financier s’engage à être plus transparent sur le risque climatique des projets qu’il finance et écarte d’emblée les infrastructures climaticides. En France, l’article 173 de la loi sur la transition énergétique oblige les investisseurs français et étrangers à communiquer sur les risques climatiques liés aux projets qu’ils financent. Nous attendons que le pays pousse à la généralisation de cette mesure à tous les pays du G20. »