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Drones de surveillance : le maire d’Asnières-sur-Seine en lévitation

2 Septembre 2016

Peut-être avez-vous entendu cet été les drones de sauvetage bourdonner au-dessus des plages de Biscarosse ou de Tarragone.

Peut-être n’avez-vous cependant pas encore entendu le maire (LR) d’Asnières-sur-Seine, Monsieur Manuel Aeschlimann, annoncer sa volonté d’équiper la ville d’un système de «  vidéoprotection mobile  » pour y faire voler des drones de surveillance.

Dans son annonce au Figaro, le maire d’Asnières-sur-Seine se garde bien de livrer des informations sur le type de drone qu’il souhaite utiliser (drone miniature, mini-drone, drone stratosphérique), sur les capteurs dont il souhaite les doter (caméra, microphone, capteur thermique et infrarouge, reconnaissance faciale, reconnaissance de plaque d’immatriculation, géolocalisation, détection de comportement suspect) et sur leur véritable finalité (observer, filmer, surveiller, transporter, neutraliser).

Mission acceptée

Sans doute ignore-t-il encore tout cela puisqu’il avoue n’avoir déposé aucun dossier à l’autorité compétente pour se voir délivrer une autorisation de vol comme l’y oblige l’arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d’utilisation des aéronefs militaires et des aéronefs appartenant à l’Etat et utilisés par les services de douanes, de sécurité publique et de sécurité civile qui circulent sans aucune personne à bord.

Pourtant persuadé du caractère impérieux de cette installation il a lancé avant-hier cette invitation  : «  qu’on me démontre en quoi ils sont plus liberticides qu’un système de vidéoprotection fixe ». 

Nous l’avons acceptée.

La «  vidéoprotection mobile  » se distingue de la «  vidéoprotection fixe  » par son caractère discret, intrusif et permanent.

Il ne s’agit pas de tenir ici un discours technophobe mais plutôt de rappeler que ce que la technologie peut n’est pas nécessairement ce que la société veut.

Idéologie insensée

L’idéal sécuritaire que nous propose le maire d’Asnières-sur-Seine est une idéologie insensée dont la mise en œuvre détruit certainement davantage les libertés individuelles qu’elle n’abolit la délinquance.

A titre d’exemple, et de manière très concrète, quels sont les moyens humains supplémentaires que dégagera la ville d’Asnières en ces temps de restrictions budgétaires pour recruter des agents, non seulement chargés de faire voler lesdits drones mais aussi et surtout d’analyser en temps réel le flux volumineux et continu d’images captées afin d’y déceler des éventuelles activités délictueuses et criminelles  ? Asnières-sur-Seine serait-elle devenue aussi mortifère, aux portes de Paris, que Caracas, Sao Paulo et Mexico  ?

Si nous approfondissons la réflexion, le but des drones de surveillance tels qu’il les envisage est analogue à celui du «  Panopticon  » de Jérémy Bentham et témoigne d’une volonté de faire intérioriser le regard de l’autorité publique pour introduire chez le citoyen un état conscient et permanent de visibilité du pouvoir sur ses actions.

Un chameau dans la tente

«  Gardez-vous d’autoriser un chameau à glisser son nez dans votre tente, car bientôt le chameau tout entier y entrera  !  »

Sans doute, d’ailleurs, est-il encore plus aisé de faire entrer un drone dans un foyer qu’un chameau dans une tente.

Accepter aujourd’hui l’introduction de drones de surveillance, équipés de caméra et de microphone, c’est prendre le risque que demain leur soient ajoutées de nouvelles options comme la possibilité de neutraliser des individus.

Accepter aujourd’hui l’introduction de drones de surveillance, c’est également prendre le risque de déléguer demain le service public de la sécurité à des robots dont les capacités d’autonomie et d’automatisme décisionnelles sont une réalité.

Souhaitons-nous, au nom de la sécurité, être surveillés par des drones qui, telles les «  spyders  » – ces araignées d’acier sorties du film d’anticipation de Steven Spielberg « Minority report » – auront, contrairement au système de «  vidéoprotection fixe  », la possibilité d’entrer dans nos foyers pour surveiller nos corps  ?

Quel panache !

Certes le système de «  vidéoprotection mobile  » est soumis aux mêmes contraintes réglementaires que le système de «  vidéoprotection fixe  » et il est donc, par exemple, interdit de pointer la caméra vers une habitation ou de réaliser des prises de vue en dehors des espaces extérieurs sauf à recourir à un moyen de floutage automatique.

Cependant, comment s’assurer que les drones de surveillance du maire d’Asnières-sur-Seine respecteront toujours l’ensemble de ces exigences alors que ce dernier, plus sensible aux effets d’annonces médiatiques, n’a pas pris la peine de déposer le dossier pertinent  ?

Le maire d’Asnières-sur-Seine est-il conscient de la nature des risques qu’il fait courir aux Asniérois en introduisant les drones de surveillance ?

La Direction générale de l’aviation civile les a pourtant exposés  : les risques de chute et de collision des drones de surveillance entre eux ou avec d’autre objets volants ou non, et donc de mise en danger de la vie d’autrui, sont tout à fait réels. Quel panache juridique chez cet élu municipal qui, pour protéger ses administrés d’une criminalité supposée est prêt à engager sa responsabilité pénale personnelle  !

Le manteau de Noé

En outre, les risques de prise de contrôle des drones de surveillance par des tiers le sont tout autant. C’est en tout cas ce qu’a récemment démontré le consultant en sécurité d’IBM, Nils Rodday, lors de son «  hacking  » des drones de surveillance de la police américaine.

Sur tout cela (peu de choses sans doute  ?) le maire d’Asnières-sur-Seine choisit de jeter le manteau de Noé. Cela dit, devant une telle proposition, nous invitons le citoyen à s’enfuir et à courir encore.

Qu’il est triste et désolant de constater que certains élus – surfant sur l’hystérie sécuritaire et les angoisses du moment – soient plus soucieux de se livrer à des opérations de marketing politique au mépris des libertés individuelles et publiques, plutôt que d’apaiser et de rassurer.

Avec Caroline Boyer, élève-avocate.