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Nucléaire, un été d’urgence

17 Août 2016

On sait que dans le domaine nucléaire, le mensonge, la dissimulation, sont monnaie courante, et de Hinckley Point à Japon, , en passant par Fukushima, les patrons du nucléaire nous en apportent de nouveau la preuve.

À Bure, pour le projet d’enfouissement de déchets nucléaire à longue vie…100 000 ans au bas mot, 500 mètres sous terre, projet dont les concepteurs nous affirment sans rire que la couche d’argile, épaisse de quelques dizaines de mètres, nous mettent à l’abri d’un éventuel accident, l’Andra se jugeant au dessus des lois, a commencé le chantier en toute illégalité, et face à la révolte citoyenne, l’état avait envoyé sa police, mettant sur le terrain plus de flics qu’il y avait de militants sur place.

Le mot d’ordre des militants de cette nouvelle ZAD a été trouvé lors de la manifestation du 16 juillet : « la forêt n’est pas un poulailler  ».

Dans l’urgence, l’ANDRA a commencé à construire un mur de 2 mètres de haut, mur qui devrait se prolonger sur plus de 3 km, au bord duquel l’entreprise nucléaire entend mettre en place une piste de circulation de 6 mètres de large, sur une épaisseur de 30 cm de cailloux
Pourtant le 1er aout, la justice a déclaré ces travaux illégaux, affirmant qu’il ne s’agit plus du simple défrichement envisagé par l’Andra, mais d’un vrai déboisement au sens du code forestier.

L’Andra se retrouve donc au pied du mur, la justice lui ayant demandé : « la suspension des travaux et la remise en état des lieux dans un délai de 6 mois  », sauf si l’Andra obtient entre temps une autorisation préfectorale.

Pour l’instant le juge est ferme et a ordonné : « une restitution de l’état boisé de l’ensemble des parcelles défrichées, nécessitant la suppression du géotextile, de l’empierrement et la clôture en mur de béton au vu de l’importance de son emprise et la replantation dans le respect du plan d’aménagement forestier du bois Lejuc arrêté par l’Office national des forêts pour 2007-2018  ».

Sans attendre que l’Andra s’exécute, plus de 400 citoyens déterminés (200 ou 300 selon la préfecture) se sont rendus sur le site et ont fait tomber le mur, sans en être empêché par la police, le préfet ayant déclaré que c’était par souci de ne pas prendre de risque face au danger de voir certains manifestants s’affronter violemment avec les forces de l’ordre, ce qui est d’autant plus étonnant que les forces de police étaient largement plus nombreux que les manifestants, et que la manifestation était annoncée non violente.
Mais quid de ce projet ?

Il s’agit tout de même d’enfouir 80 000 mètres cube de déchets très radioactifs, lesquels ont parfois une période ou demi-vie de 24 000 ans, et concentrent 99% de la radioactivité totale produite, et ceci pendant 1 siècle, puis de fermer définitivement le site, en priant pour tout ce passe bien au cours des 100 000 ans qui suivront.

Pari risqué, car la couche d’argile censée protéger tout risque d’infiltration est-elle la garantie d’un risque zéro, qui comme chacun sait n’existe pas ?
Comment sera la terre dans 100 000 ans ? Que sera devenu ce site ? Comment prévenir les générations futures du danger mortel qui se terre dans le sous-sol ?

Et puis, si chacun sait que si l’argile est par nature imperméable, elle est aussi saturée d’eau, et les containers de béton et d’acier de déchets radioactifs vont relâcher de la chaleur tout au long des siècles, ce qui provoquera fatalement une production importante d’hydrogène, et donc un risque d’incendie.

De plus la durée de vie d’un béton ne dépasse guère le siècle, et l’acier finira par se rouiller, laissant s’échapper la dangereuse radioactivité. lien

L’Andra se veut rassurante, affirmant que seront mis en place des dispositifs de détection, d’extinction automatique, de ventilation…avant l’intervention de pompiers.

Tout d’abord comment les pompiers pourraient-ils descendre dans les profondeurs d’un site dont l’entrée serait condamnée, et puis qui dit ventilation dit possibilité d’une grave pollution de l’air en cas d’accident, comme cela a été le cas au Nouveau Mexique en 2014, ou dans l’ex mine de sel d’Asse, en Allemagne, site pour lequel le gouvernement tente de retirer les 126 000 barils qui ont été enfouis dans la mine.

Le Sénat s’en est inquiété introduisant dans la loi du 11 juillet la notion de « réversibilité », c’est-à-dire la possibilité de récupérer les containers en cas de problème, ce qui est plus facile à écrire qu’a réaliser, comme l’affirme Monique Séné, experte en matière nucléaire ayant appartenu au CNRS : « retirer des colis par 500 mètres de fond, ce n’est pas une opération simple, cela suppose des études poussées au préalable ». lien

La sagesse voudrait que l’on préfère un stockage en surface, à l’abri de l’eau, au flanc d’une montagne comme le propose le physicien Bernard Laponche, « en se donnant la capacité d’intervenir et de retirer les déchets si nécessaire ». lien

Et puis, il y a le coût du projet, fixé par l’Andra à 35 milliards, même si le gouvernement, par la voix de Ségolène Royal à mis la barre à 25 milliards, alors qu’un projet accessible serait bien moins cher.

Quand on connait l’état de délabrement financier d’EDF, en quasi faillite, (lien) d’Areva, plombée par les échecs successifs de ses EPR, on peut légitimement s’interroger sur le choix de l’état de continuer d’investir dans le nucléaire, alors que Hollande avait promis de réduire la part du nucléaire, afin de favoriser les énergies propres et renouvelables. 
L’EPR finlandais est passé de 3 milliards à 10 milliards, accumulant les retards, le dépassement étant à la charge de l’entreprise française…(lien), l’EPR de Flamanville connait exactement les mêmes déboires, auxquels s’ajoutent un problème de cuve défaillante (lien) et des graves manquements patronaux : de la main d’œuvre bon marché, venant des pays de l’Est, malléable et corvéable à merci, le tout construit sur un montage qui ressemble plus à une entourloupe qu’à un véritable respect des règles salariales, l’employeur Bouygues ayant été condamné pour travail au noir. lien

À Hinckley Point, mensonge aussi, ou plutôt dissimulation, et elle est le fait du Jean-Bernard Levy, le PDG d’EDF nommé il y a moins d’un an, qui a finalement admis avoir caché à son conseil d’administration un bien vilain mensonge.

Il avait eu connaissance de la décision de la nouvelle première ministre britannique, Theresa May, de repousser à l’automne le projet de construction de 2 réacteurs EPR à Hinckley Point, décision que connaissaient aussi l’Elysée tout comme Bercy, lesquels se sont bien gardés de répandre la mauvaise nouvelle.

Les administrateurs d’EDF réunis en assemblée le 28 juillet 2016 ont donc validé le projet d’EPR britannique sans savoir que l’Angleterre avait décidé un moratoire.

Comme l’à découvert le « Canard Enchaîné », s’ajoute à ce scandale un autre, autant perturbant : on trouve dans ce conseil d’administration une certaine Colette Lewiner, laquelle, comme par hasard, est aussi administratrice du groupe Bouygues depuis 2010, (lien) ce même groupe auquel devrait revenir le bétonnage du chantier…et ce n’est pas tout. lien

Un autre potentiel conflit d’intérêt pointe le bout de son nez avec un certain Philippe Crouzet, président de Vallourec, (lien) leader mondial des tubes sans soudure, puisque Valinox, filiale à 100% de Vallourec, est aussi une entreprise qui serait sous contrat pour Hinckley Point au cas où le projet aboutirait finalement. lien

Quant à Fukushima, rien n’a changé, et tels les Shadoks, les travailleurs pompent l’eau polluée, remplissent des cuves, alors que la radioactivité continue de s’échapper dans l’air, dans la terre, et dans l’océan, sans qu’aucune solution n’ait réellement été trouvée depuis le 11 mars 2011.

Les zonages des territoires contaminés se réduisent au fil des mois qui passent, sans la moindre justification, et l’état japonais prévoit l’ouverture après le printemps 2017 d’une zone pourtant contaminée de 20 à 50 mSv/an, comme l’a expliqué la chercheure Kurumi Sugita, lors d’une conférence tenue en Isère au printemps dernier.

Le gouvernement japonais, devant le problème rencontré pour le stockage des terres contaminées vient d’inventer un nouveau concept : « l’entreposage provisoire temporaire  », et en mars 2016 on ne comptait pas moins de 10 millions de sacs, entreposés dans 128 000 lieux différents.
On en trouve maintenant un peu partout : près des écoles, et jusque dans les jardins particuliers, et si les propriétaires de ces derniers refusent le stockage sur son sol, les autorités les menacent de ne pas décontaminer leur terre.

Pour résoudre en partie ce problème, l’état à décidé de réutiliser les déchets qui ont moins de 8000 Bq/kg, les utilisant dans les travaux publics, alors que d’autres seront « vaporisés » dans l’atmosphère grâce à des incinérateurs.


Quant aux cendres, affichant plus de 100 000 Bq/kg, elles sont « traitées, afin de réduire leur volume, et les rendre recyclables ». lien

On ne demande qu’à le croire.

Comme dit mon vieil ami africain : « le singe qui monte au cocotier doit avoir le cul propre ».