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Manifestation géante à Istanbul contre le putsch manqué

7 Août 2016



A l’appel du président Recep Tayyip Erdogan, des centaines de milliers de Turcs se sont rassemblés dimanche à Istanbul pour dénoncer le putsch manqué de la nuit du 15 juillet et afficher leur unité face aux critiques occidentales contre la répression massive entreprise par le pouvoir turc depuis la tentative de coup d’Etat.

Ce « rassemblement de la démocratie et des martyrs », organisé sur la grande esplanade de Yenikapi, au bord de la mer de Marmara, doit parachever trois semaines de manifestations nocturnes des partisans du chef de l’Etat sur les places de nombreuses villes du pays.

« Tu es un cadeau de Dieu Erdogan » ou « Ordonne nous de mourir et nous le ferons », pouvait-on lire sur certaines pancartes brandies par des partisans du président turc.

« Nous sommes ici pour montrer que ces drapeaux ne retomberont pas, que l’appel à la prière ne sera pas réduit au silence et que notre pays ne sera pas divisé », explique Haci Mehmet Haliloglu, un fonctionnaire de 46 ans qui est venu spécialement de la ville d’Ordu, au bord de la mer noire, pour participer au rassemblement.

« C’est quelque chose qui dépasse la politique, c’est soit notre liberté soit la mort », ajoute-t-il, un drapeau turc sur les épaules.

ERDOGAN ÉVOQUE DE NOUVEAU LE RÉTABLISSEMENT DE LA PEINE DE MORT
Le président Recep Tayyip Erdogan a de nouveau évoqué dimanche un possible rétablissement de la peine de mort en Turquie “si le peuple (le) veut”, devant des centaines de milliers de Turcs qui manifestaient pour la démocratie à Istanbul après le putsch raté.

“Si le peuple veut la peine de mort, les partis suivront sa volonté”, a dit Recep Tayyip Erdogan devant des sympathisants qui scandaient “peine de mort” et en ajoutant : “la plupart des pays appliquent la peine de mort”.

Les dirigeants de deux partis d’opposition – le Parti républicain du peuple (CHP) et le Parti de l’action nationaliste (MHP) – ont été invités à prononcer un discours lors de ce rassemblement géant organisé trois semaines après le coup d’Etat manqué, imputé par les autorités au prédicateur Fethullah Gülen.

« La seule manière d’éliminer les coups d’Etat est de raviver les valeurs de la République. Ces valeurs qui font notre unité devront être exprimées avec force à Yenikapi », a déclaré Kemal Kilicdaroglu, le chef de file du parti laïque CHP, sur son compte Twitter.

Ancien allié du président turc, Gülen, exilé depuis 1999 aux Etats-Unis, a démenti toute implication dans le putsch et a dénoncé cette semaine le mandat d’arrêt lancé à son encontre par Ankara.

Brutal et injuste

La brutalité du putsch avorté du 15 juillet, qui a fait plus de 230 morts, a choqué un pays où la dernière tentative de coup d’Etat remontait à 1980.

Même les adversaires d’Erdogan, qui dénoncent son autoritarisme, préfèrent le voir se maintenir à la présidence que de connaître un nouveau coup d’Etat, comme ceux qui ont rythmé l’histoire du pays dans la seconde moitié du XXe siècle.

« Erdogan a été brutal et injuste à notre encontre par le passé mais je crois qu’il a compris maintenant la véritable importance des valeurs de la République », estime Ilhan Girit, un musicien de 44 ans, partisan du CHP, opposition, un drapeau de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne et laïque.

L’union nationale pourrait toutefois ne pas durer.

L’opposition s’interroge déjà sur le fait de savoir si la restructuration en cours de l’armée, qui se fait sans droit de regard du parlement, ne va pas trop loin. Des milliers de militaires, dont 40% de généraux, ont été démis de leurs fonctions.

Au total, plus de 60.000 militaires, magistrats, fonctionnaires ou enseignants ont été interpellés, suspendus ou font l’objet d’enquêtes judiciaires, au cours de ces purges de masse critiquées par les pays occidentaux.

Le ton est notamment monté cette semaine entre Vienne et Ankara, les autorités autrichiennes ayant exprimé leur volonté de débattre de l’intérêt de poursuivre les discussions d’adhésion à l’UE avec la Turquie face à la répression en cours.

Des critiques rejetées par Erdogan qui a accusé les pays occidentaux de « soutenir le terrorisme et les coups d’Etat ».