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Les bonnes questions sur « l’islam de France »

3 Août 2016


L’islam de France ! L’expression est elle-même tout un programme ou plutôt un non-programme. L’islam de France, c’est surtout une référence géographique. C’est un peu comme ces partis communistes “internationalistes” qui se nommaient parti communiste de suivi du nom du pays. C’était le cas du KPD par exemple, parti communiste d’Allemagne et pas allemand. Parler de l’islam de France, c’est parler de quelque chose d’étranger au corps de la nation. C’est peut-être prendre en compte une réalité, mais en aucun cas, ça ne signifie vouloir prendre les choses en main pour que cet islam devienne français, donc s’adapte à ce qu’est la France. C’est donc complètement absurde de dire qu’il a trouvé sa place dans la République.

C’est pourtant ce qu’affirme notre fougueux premier ministre en se gardant bien de préciser laquelle. Manquent sans doute dans son esprit simplement quelques ajustements pour dégripper quelques rouages. En fait ce qui importe si on écoute ce brillant homme c’est de protéger cette religion. Oui, c’est ça, il faut protéger l’islam. Pas de lui-même, évidemment, mais de tous ces populistes démagogues de droite et d’extrême-droite qui, selon ses propos, en ont fait leur bouc émissaire. Si vous ne l’aviez pas encore bien perçu, ce n’est pas nous qui sommes menacés ou qui courons les plus grands risques, c’est l’islam. C’est d’ailleurs la brillante analyse que faisait il y a peu de temps, après les attentats de Nice, le patron de la DGSI, un certain Patrick Calvar, qui nous contait que le risque dominant était “une confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman”. On ne sait pas s’il y croyait vraiment, auquel cas il faudra comprendre qu’une partie, sans doute la plus grande puisque c’est le risque majeur, des moyens de renseignements est orientée vers cette menace, ou s’il voulait se faire mousser en faisant implicitement observer qu’il avait circonscrit le danger. Dans les deux cas, les victimes survivantes et les familles de celles qui ont succombé apprécieront.

Pourtant c’est vrai qu’il a été efficace ! Regardez, aucune ratonnade, aucune mosquée explosée, aucun musulman avec un poignard dans le dos à exhiber, pas la moindre tentative d’égorgement d’un imam… ! C’est quand même du résultat ça ! A moins que les Français, même attaqués, soient finalement moins racistes, moins islamophobes, moins “Dupont-la-Joie” que ce que Plenel et ses acolytes prétendent. Non je rigole, les Français sont bien tout ça. La preuve : une mosquée à Lyon a été taguée ce qui a permis au préfet de nous rappeler que nous étions à la veille d’une nouvelle “Nuit de Cristal”. Pauvre tâche ! Et puis aussi il y a eu cet homme qui a déposé des lardons dans la boite aux lettres d’une mosquée en Lorraine. Heureusement que le parquet, aux ordres de la Chancellerie, n’a pas failli et réclamé 6 mois de taule fermes pour ce dangereux individu. L’Etat veille ! Mais hélas, une justice laxiste, pourtant impitoyable avec les jeunes tentant de rejoindre la Syrie et contraints au port du bracelet électronique, a préféré le condamner à 6 mois avec sursis. Attention, il est dans nos rues, libre, peut-être prêt à la pire des récidives qui serait de mettre un boudin dans le pot d’échappement de la voiture de l’imam du coin, ou de manger un sandwich au jambon à moins de 100 mètres de l’entrée de la mosquée un vendredi. Oui, oui, oui, l’islam est menacé en France ! Et c’est pour cela qu’il faut l’aider.


Alors puisqu’il faut l’aider, notre gouvernement si réactif va s’y coller. En faisant un pacte. Il y a peu le Canard Enchaîné levait le voile sur un projet de concordat avec l’islam concocté dans les bureaux de la place Beauvau. C’était évidemment une fausse information, démentie par le ministre concerné qui, on le sait, ne prend jamais aucune liberté avec la vérité. La preuve ? Eh bien il ne s’agit pas d’un concordat, que nous interdit la laïcité sauf en Alsace-Moselle, mais d’un pacte. Et ça change tout, non ?

L’étymologie de pacte nous ramène à la notion de paix. Finalement peut-être alors que le terme n’est pas mal choisi ! Enfin non puisque nous ne sommes pas en guerre contre l’islam, mais contre l’islamisme, et que l’islam n’est pas en guerre contre nous, ni contre l’islamisme d’ailleurs. Ou juste un peu comme ça, sous une forme de timidité extrême au point de refuser les minutes de silences après les attentats de janvier. Du coup on évite de renouveler l’expérience. Et puis on nous a tellement dit que les mecs qui font des attentats ça n’a rien à voir avec l’islam, qu’on en arrive à se demander pourquoi pactiser avec cette religion complètement étrangère aux événements. D’ailleurs Valls l’a dit, même si tous les salafistes ne sont pas djihadistes, tous les djihadistes ou presque sont salafistes. Il a dit salafistes, pas musulmans. Même si tous les salafistes sont musulmans, bien que tous les musulmans ne soient pas salafistes. Du coup il aurait pu dire que tous les djihadistes étaient musulmans. Mais il parait qu’ils ne le sont pas parce que l’islam, c’est pas ça. Bon dieu, que c’est compliqué ! Surtout de tortiller du popotin pour ne pas dire que si on veut faire un pacte avec l’islam, c’est bien que l’islam ne peut être dissocié du terrorisme islamiste. Même si évidemment tous les musulmans ne sont pas des terroristes, loin de là, même si un nombre sans doute significatif d’entre eux ont les mêmes objectifs que les terroristes, à savoir nous placer sous le joug de leur religion. Mais chut ! Tout ça faut pas le dire. Il y a des tarés, des malades mentaux, des détraqués psychiques qui se réclament de l’islam pour commettre leurs saloperies, et il y a l’islam, le vrai, le seul, religion de paix et d’amour qui n’a jamais, mais vraiment jamais, eu d’autre ambition même historique que de limiter son champ d’action à ses fidèles, et pour les guider sur le chemin de la paix, de la tolérance et de l’amour, surtout vis-à-vis de ceux qui ne sont pas comme eux. D’ailleurs c’est bien connu que Abd Al Rahman que stoppa Charles Martel à Poitiers, et que Soliman le Magnifique et Mehmet IV qui firent successivement le siège de Vienne (Autriche) aux 16ème et 17ème siècles avaient leur place à l’asile. Les attaques musulmanes contre l’Europe chrétienne c’était pas l’islam non plus. L’islam c’est un truc cool, peace and love et le reste.

Il mérite donc d’être aidé. Grâce à un pacte, qui sera sans doute républicain, et qui s’occupera du financement des mosquées, de la formation des imams et de l’organisation du culte. Vous voyez bien, à la lueur de ces trois thèmes, que ça n’a rien, mais absolument rien à voir avec un concordat. Un concordat, c’est marqué concordat sur la page de garde ! Pfff !

Inutile de s’attarder trop sur les mesures proposées qui sont une copie de ce qui a déjà été fait avant et qui ne fonctionne pas comme le CFCM et la fondation pour l’islam de France, ou a déjà été moult fois évoqué comme la formation des imans. Sauf que peut-être cette fois on va franchir officiellement un pas, car il était dans les faits depuis longtemps franchi déjà par le biais du financement d’associations culturelles, en gros le bar à thé qui jouxtait la mosquée et qui coûtait vraiment très cher, ou par des vrais faux dons de terrains, dans le cadre de la construction de mosquées. C’est Valls qui le dit : “… nous devons passer en revue toutes les solutions, sans nous interdire une forme de financement public, et assurer à travers la Fondation [pour l’islam de France] une transparence totale des dons et financements privés “. Donc chers contribuables… Mais il n’y a pas l’ombre d’une idée de concordat dans tout cela. Donc en gros, si je ne me trompe pas de lecture on peut résumer ce pacte à : “chers musulmans, on va vous payer des mosquées dans lesquelles on va placer des imams dont nous aurons assuré la formation (et peut-être rétribués ?), tout ça sous le contrôle d’une instance représentative qui fonctionne. En échange de quoi…”. Et là c’est le vide. Car si même dans le pacte que faisait Faust avec le diable il y avait un échange, quelle que soit sa nature, là il n’y a rien.


Et c’est peut-être par là qu’il fallait commencer. En reprenant dans l’esprit ce que Napoléon avait entrepris il y a un peu plus de deux siècles avec les juifs et dont la forme finale n’a finalement guère évolué. Napoléon a fait des Juifs de France des Français juifs. Et pour cela c’est au cœur de la pratique religieuse qu’il s’est attaqué en réunissant des représentants de la communauté juive avec pour objectif clairement défini de ” Faire des juifs des citoyens utiles, concilier leurs croyances avec les devoirs des Français, éloigner les reproches qu’on leur a faits et remédier aux maux qui les ont occasionnés..”. 12 questions furent posées à cet aréopage de représentants des juifs de France et territoires sous administration française. Il n’est pas inutile de les rappeler pour montrer leur actualité s’agissant de la communauté musulmane, à l’exception des deux dernières ayant trait à l’usure.

Est-il licite aux juifs d’épouser plusieurs femmes ?
Le divorce est-il permis par la religion juive ?
Une juive peut-elle se marier avec un chrétien et une chrétienne avec un juif ?
Aux yeux des juifs, les Français sont-ils leurs frères ou sont-ils des étrangers ?
Dans l’un et dans l’autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
Les juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? ont-ils l’obligation de la défendre ? sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre les dispositions du Code Civil ?
Qui nomme les rabbins ?
Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les juifs ? Quelle police judiciaire ?
Ces formes d’élection, cette juridiction de police judiciaire sont-elles voulues par leurs lois ou simplement consacrées par l’usage ?
Est-il des professions que la loi leur défende ?
La loi des juifs leur défend-elle de faire l’usure à leurs frères ?
Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l’usure aux étrangers ?
Si on supprime les deux dernières, ça reste quand même sacrément pertinent, vous ne croyez pas ? D’ailleurs on pourrait avantageusement remplacer ces questions hors-sujet par une question sur le droit à l’apostasie, chose à laquelle ni Chevènement, ni Sarkozy quand ils étaient ministres de l’intérieur ne purent avoir de réponse et qui pourtant constitue un point capital et sans doute définitif pour savoir si l’islam a une place dans notre France républicaine et laïque.

Les juifs ont répondu à ces questions (chap. 4) de telle manière que leur pratique religieuse se trouve en cohérence avec les lois et coutumes des Français. Ce sont eux qui se sont adaptés à la France, qui ont adapté leurs pratiques religieuses et pas l’inverse.


Alors peut-être qu’avant de penser à un pacte quelconque qui n’engagerait que la France, peut-être qu’avant simplement d’affirmer que l’islam a trouvé sa place et a même une place dans notre République, serait-il utile, faute d’avoir le courage d’imposer nos règles, de renouveler l’expérience de Napoléon cette fois avec les musulmans. C’est un préalable indispensable à tout autre chose.

Sinon ce n’est effectivement pas d’un concordat, d’un pacte pardon, dont il s’agit, mais d’une capitulation.