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Dans la communauté matriarcale de Waianae, la compassion fait foi et loi

29 Août 2016


À Hawaii, il existe une micro société anarchiste, fondée et gouvernée uniquement par des femmes. Là-bas, une main est tendue aux personnes dans le besoin, qu’elles soient sans logement ou qu’elles nécessitent seulement un endroit où reprendre pied. Aujourd’hui, cette communauté de sans-abris auto-gérée est la plus grande de ce type sur l’île de Hawaii. Née de l’initiative de la dénommée Twinkle Borge, ce groupe hors-pair doit presque tout à la philosophie et au caractère en fer forgé de sa fondatrice.

Depuis près de 10 ans, la communauté de « The Harbor » co-existe sur l’île de Hawaii. Celle-ci a cependant bien évolué depuis que Twinkle Borge, 46 ans, a pour la première fois garé sa voiture aux abords du camp en devenir, il y a quelques années. Alors consommatrice de méthamphétamine, Twinkle venait de tout perdre en l’espace de quelques mois : son logement, son travail, et la garde de son fils. Après avoir passé quelques semaines dans un autre camp de l’île dans des conditions désastreuses, c’est en passant une nuit sur cette plage, qui ne comptait alors que quelques tentes, que Twinkle Borge a décidé de s’y installer.



Dans ce camp de sans-abris, on trouve majoritairement des personnes qui travaillent mais qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins. Il y a des personnes isolées qui ont perdu leur logement, des travailleurs précaires, des « seniors » dont personne ne peut s’occuper, et même des familles que la nécessité a poussé jusqu’ici. Dans de nombreux cas, les drogues durs jouent un rôle décisif dans le bouleversement de ces vies, qu’elle soit l’élément déclencheur d’une perte totale de repères, ou bien le seul remède pour ceux qui pensent avoir déjà tout perdu. Twinkle, elle, a arrêté la méthamphétamine le jour où l’une de ses nièces est venue la voir au camp pour lui confier son petit-neveu à garder.

Au milieu de ces profils aussi divers qu’abîmés, Twinkle Borge est vite devenue une matriarche de fait. Toujours prête à aider ses compagnons d’infortune et à offrir une épaule sur laquelle s’appuyer, elle leur a également donné l’occasion de mettre en place une véritable communauté d’entraide et de soutien.



Une volonté de fer pour assurer la gestion du camp

Aujourd’hui, le camp compte près de 300 habitants sédentaires. Des familles entières s’y sont installées sous l’œil bienveillant de Twinkle, qui s’est retrouvée de facto responsable de celui-ci. Cependant, ici, pas de statuts, ni de rapports autoritaires ou avec les autorités. Les décisions sont prises par consensus, et des réunions sont tenues tous les premiers mercredis du mois sous la supervision de Twinkle. En cas de dispute, une table-ronde est organisée afin de résoudre le conflit de façon pacifique.

Afin de l’aider dans l’organisation du camp, Twinkle a désigné seize capitaines de zones parmi les femmes du Harbor. Celles-ci l’aident dans la tenue quotidienne du camp ainsi que dans sa structuration, notamment en termes d’allocation d’espaces pour les tentes. Si Twinkle tient à tendre les responsabilités du camp aux femmes, c’est qu’elle sait que celles-ci auront à cœur de garantir l’ordre dans le campement, ne serait-ce que pour les enfants.



Lorsque de nouveaux résidents arrivent au Harbor, Twinkle Borge fait tout pour s’assurer qu’ils recevront l’aide nécessaire. Qu’il s’agisse de bâches pour les tentes ou de nourriture, Twinkle s’attèle à la tâche jusqu’à ce que tout soit en ordre pour les nouveaux arrivants. L’ordre, c’est d’ailleurs quelque chose à laquelle elle tient tout particulièrement, notamment en regard des nombreux enfants de la communauté.

Les cas d’expulsion sont très rares, mais pas inexistants. En effet, ici on tolère l’usage de drogues, mais lorsqu’il s’agit d’école buissonnière ou de vols dans les alentours, Twinkle et sa clique prennent les choses très au sérieux. Il en va du bon fonctionnement du campement tout entier et de sa pérénité.



La survie du campement peut-être menacée

Le campement, cependant, pourrait être menacé dans les mois à venir par les ambitions d’élus locaux et de certains développeurs immobiliers qui ont le terrain dans le collimateur. Propriété de l’État, l’emplacement du camp pourrait en effet être réquisitionné.

Un problème similaire c’était d’ailleurs posé en 2012, lorsque l’ancien maire de Honolulu avait déclaré vouloir raser un autre camp important de l’île, faisant ainsi accourir des centaines de personnes vers celui de Waianae. Twinkle Borge s’était alors portée volontaire pour représenter le Harbor auprès des autorités.

Le voisinage, quant à lui, ne voit aucun problème à l’établissement pérenne de la communauté du Harbor. Entièrement auto-gérée, elle représente pour eux une population qui fait partie intégrante de la ville, et ne cause aucun trouble à l’ordre public. Au contraire, la communauté a plutôt tendance à stabiliser une population en difficulté en leur venant en aide concrètement.

Alors que Hawaii souffre encore d’une crise du logement conséquente, le gouvernement a ordonné l’été dernier l’évacuation des deux plus grands campements de Honolulu. En réponse à de potentielles arrivées, Twinkle a simplement fait en sorte de libérer encore davantage d’emplacements dans son camp, au cas où quelqu’un en aurait besoin.



Une belle histoire d’entraide qui rappelle qu’un changement est toujours possible pour les personnes victimes d’un accident de vie et qui vivent souvent isolées du reste de la société et à l’ombre des projecteurs des médias. On espère que le soutien des collectivités locales pourra peser dans la balance du choix municipal d’expulser ou non les habitants du campement, et pourra en guider certains vers une réhabilitation au sein de la société. On notera cependant que ces solutions en marge n’existent que par le manque de structures collectives adaptées, et donc d’un système social équitable et adapté aux réalités de tous.