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10 août 2016, Agent Orange : 55e anniversaire du premier épandage d’agent chimique au Viêt Nam

4 Août 2016

Aujourd’hui, selon la Croix Rouge vietnamienne, le pays compte entre 3 et 4 millions de victimes, les dernières appartiennent à la troisième génération d’après-guerre.
Photo André Bouny. Village de la Paix de Tu Du, HCM-V.
« Le 30 novembre 1961, le Président Kennedy autorisa l’épandage aérien massif d’agents chimiques pour défolier la forêt primitive vietnamienne. Des essais en situation réelle au Viêt Nam avaient eu lieu pour la première fois, au moyen d’un hélicoptère, le 10 août 1961 sur la forêt tropicale de la province de Kon Tum. Peu de temps après, Kennedy signa l’ordre d’utiliser ces agents chimiques pour détruire et empoisonner les ressources vivrières. Dans un premier temps, cette opération est nommée “Trail Dust” (Traînée de poussière), puis Opération Hadès (le Dieu des morts et des enfers chez les Grecs). Elle est rapidement rebaptisée de manière bien plus anodine Opération “Ranch Hand” (Ouvrier agricole). C’est ce troisième nom de code militaire qui resta dans l’Histoire pour décrire l’épandage des agents chimiques sur le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge. Elle visait à éradiquer les arbres de la forêt tropicale afin d’ôter le couvert végétal protégeant les résistants ainsi qu’à anéantir les récoltes dans le but d’affamer populations et combattants.

Par la suite, début 1961, Kennedy souhaitant rassurer l’Amérique sur le fait qu’il n’était pas « rose », dépêcha 400 Bérets Verts, des forces d’opérations spéciales avec pour mission d’instruire les soldats sud-vietnamiens aux différents moyens de combattre la guérilla communiste au sud. Le nombre des “conseillers militaires”, que son prédécesseur avait envoyés par centaines, fut porté à 16 000. Sous l’égide des conseillers états-uniens, l’armée du Sud lança des milliers d’opérations de ratissages au sein de la population. Le sous-secrétaire d’État George Ball fut le seul des principaux conseillers du Président à le mettre en garde. Il prévint son ami Kennedy que le Viêt Nam ne se plierait pas facilement à la volonté de l’Amérique. “Maintenir l’indépendance du Sud-Viêt Nam, insista Ball, signifie que dans cinq ans il y aura 300 000 soldats américains dans les rizières et les jungles du Viêt Nam.” Kennedy ne crut pas une seconde à cette prophétie.

Des bombardiers et des hélicoptères américains vinrent s’ajouter aux forces en présence, confirmant l’interventionnisme états-unien, tandis que l’armée du Sud-Viêt Nam engageait 100 000 hommes supplémentaires. Plus tard, ses effectifs approcheront le million. 

Le 12 janvier 1962, un petit matin calme se levait sur l’aéroport de Tan Son Nhat, à Saigon. Trois avions UC-123, équipés spécialement le mois précédent, étaient arrivés six jours plus tôt de la base aérienne de Clark, aux Philippines. Le moteur n°1 commença à tourner lentement sous l’aile droite. Puis ce fut au tour du deuxième. Les hélices des trois avions faisaient un effet stroboscopique. Le régime des moteurs montait en puissance. Par anticipation, les pilotes redoutaient la rencontre de leurs hélices avec les dernières chauves-souris géantes de la nuit, animaux de plus d’un mètre d’envergure. Plein gaz, le fracas faisait trépider les aéronefs et le capitaine aux commandes vit les poussières qui commençaient à danser à la surface du plancher. Maintenant, les moteurs Pratt & Whitney R-2800 des Fairchilds UC-123 Provider libéraient chacun 2 300 ch rugissants. Freins libérés, les avions-cargos capables de soulever 27 tonnes s’élancèrent comme d’immenses insectes gorgés de poison au-dessus de l’infinie canopée. La plus grande guerre chimique de l’Histoire de l’humanité venait de commencer. » Extrait du livre Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam, d’André Bouny, 416 p., Éditions Demi Lune, Paris, 2010.